4.1. Bien comprendre la définition officielle
Définition : Nous avons adopté la définition officielle du Conseil international des Archives (CIA) :
"Les archives sont l'ensemble des documents quels que soient leur date, leur forme et leur support matériel, produits ou reçus par toute personne physique ou morale, et par tout organisme public ou privé, dans l'exercice de leur activité, documents soit conservés par leur créateur ou leur successeurs pour leurs besoins propres, soit transmis à l'institution d'archives compétente en raison de leur valeur archivistique."
Cette définition reflète surtout le point de vue de l'archiviste.
Analysons-la brièvement pour nous assurer que nous en comprenons bien toute la portée.
4.1.1. "L'ensemble des documents..."
Bien qu'un document unique puisse être considéré comme «archives», l'archiviste responsable de la gestion des documents[1] ou des archives définitives[2] travaille habituellement avec des quantités - parfois des masses - de documents créés dans un même contexte, qu'il s'agisse d'occupations, d'activités, de fonctions ou de projets similaires.
C'est ce contexte commun qui explique pourquoi et comment ces documents partagent des caractéristiques semblables qui aident à les définir.
Ainsi, les divers regroupements de documents d'archives (dossiers, séries et fonds) possèdent tous des caractéristiques communes liées au contexte de leur création ou de leur réception.
4.1.2. "quels que soient leur date, leur forme et leur support matériel..."
Contrairement à la croyance populaire, un document devient archives dès sa création ou sa réception en autant qu'il répond aux autres critères que la définition; il n'est pas nécessaire qu'il soit vieux.
Parce que les documents textuels sur papier ont longtemps été les seuls utilisés à des fins de création d’archives administratives, ils demeurent encore dans l’esprit des archivistes une forme privilégiée d’activité archivistique. Pourtant, comme le stipule bien la définition, le papier n’est qu’un des supports documentaires utilisé pour créer des documents d'archives.
Les archives se créent aussi bien sur des supports photographiques, audiovisuels, sonores qu’informatiques. De fait, la prévalence du recours à l’informatique dans les administrations modernes pose à l’archiviste un des défis les plus importants à court et à long termes.
Ainsi, les dessins architecturaux d'une construction conservés dans le fonds d'un architecte ou d'une société propriétaire du bâtiment sont des formes de document qu'il est possible d'utiliser et de préserver sous plusieurs supports matériels différents, notamment les supports papier (évidemment!), photographiques et numériques (CD-ROM ou support électronique). Dans des sociétés privées comme certaines administrations publiques, les versions originales (donc officielles) des procès-verbaux sont conservées sur support électronique, même si leur transmission à tous les intéressés se fait sur support papier.
4.1.3. "...produits ou reçus "
Les archives sont des produits de l'activité humaine.
Elles peuvent comprendre aussi bien des documents créés, préparés ou approuvés par des personnes que des dossiers ou des pièces qu'elles ont reçus d'autres individus ou organismes.
Par exemple, toutes les lettres reçues par une personnalité littéraire font partie du fonds d'archives de cette personne au même titre que les copies de lettres et les manuscrits de ses oeuvres qu'elle a conservés. Par contre, les lettres et les manuscrits littéraires qu'un collectionneur aurait acquis ne peuvent faire partie de son fonds d'archives puisqu'il ne le a ni créé ou reçu; dans ce cas, seules les factures ou les catalogues annotées pourraient être compris dans son fonds d'archives.
4.1.4. "...par toute personne physique et morale et par tout service ou organisme public ou privé..."
Produits de l'activité humaine, les archives peuvent être créées aussi bien par des «personnes physiques», donc des individus qui agissent à titre privé, que par des «personnes morales», c'est-à-dire des individus qui travaillent ou agissent dans le cadre d’une association, d’une entreprise ou d’une administration publique.
Un terme de droit, l'expression «personne morale» couvre aussi bien l'État, les collectivités locales et leurs regroupements, les établissements publics et les groupements d'intérêt public que les entreprises, les sociétés commerciales, les associations, les syndicats et les coopératives.
L'ajout du terme «organisme public ou privé» vient insister sur le fait que toute activité humaine, pas seulement les administrations publiques, peut créer des archives.
4.1.5. "...dans l'exercice de leur activité, ..."
Pour avoir qualité d’archives, un document doit être le résultat de l'activité de son producteur et pouvoir témoigner de celle-ci. C'est là une condition essentielle de la nature des archives.
Les archives sont ainsi, de par leur nature, des preuves directes des faits; elles sont donc fondamentalement différentes des descriptions indirectes qu’un témoin pourrait préparer de mémoire, quelques temps après l'événement.
Parce qu’elles sont créées en même temps et aux mêmes fins que les activités qui les justifient, les archives conservent leur authenticité, leur pouvoir d’information directe sur les actions qu’elles illustrent.
Parce qu’elles couvrent aussi bien les documents produits que ceux qui ont été reçus et seulement ces documents, elles permettent de recréer le contexte des activités.
Exemple :
L'original d'un contrat conservé dans un dossier tenu par le fonctionnaire chargé de l'affaire et contenant toutes les autres pièces relatives à sa négociation atteste beaucoup mieux des détails de l'entente qu'un rapport du même fonctionnaire portant sur la transaction.
L'enregistrement audiovisuel d'un discours constitue une source plus fiable que le compte rendu qui aurait pu en être publié dans un journal.
La correspondance d’une personnalité politique fait partie intégrante de son fonds d’archives ; ses mémoires ne le seraient pas parce qu’ils ne sont pas produits dans le cadre de ses activités de politicien.
4.1.6. "...documents soit conservés par leur créateur ou leurs successeurs pour leurs besoins..."
Le document d'archives est un document conservé par l'individu ou l'organisme à plus ou moins long terme pour servir à diverses fins : rédaction de rapports, preuves, comptabilité, etc. Témoin authentique d'une activité, il prolonge les conséquences de cette activité en en maintenant la mémoire à diverses fins.
Exemple :
Des factures émises dans le cadre d’une transaction serviront d’abord de preuves d’achat pour assurer le respect de garanties, mais aussi serviront à:
informer les responsables de la comptabilité et de la gestion du budget;
vérifier, lors d'un audit, si les dépenses des responsables sont faites conformément aux décisions des administrateurs ou des élus.
Elles pourront éventuellement être détruites lorsque les fins pour lesquelles elles ont été conservées auront été atteintes.
Un document d'archives est toujours le résultat d'une action dans un contexte donné ; il est donc logique qu'il soit conservé un temps plus ou moins long couvrir les besoins de l'individu ou de l'organisme producteur et que l'on y recoure pour des usages divers. C'est à ce titre que le document d'archives rend possible l'attestation de ces actions et que des ensembles d'archives, parce qu'elles sont authentiques, peuvent aussi établir ce qui a été fait et, dans certains cas, témoigner de ce qui ne s'est pas produit.
Exemple :
Des procès-verbaux préparés dans le cadre d’une réunion d’un conseil des ministres ou d’un conseil d’administration sont des témoignages directs des décisions prises par les participants.
Lorsqu’ils sont approuvés par ces participants, ils suffisent à attester de ces décisions.
Conservés à court terme, ils serviront de mémoire officielle à des fins de vérification et d’information.
Puisque les mandats des participants ont des répercussions à long terme, ils seront généralement l’objet d’une intervention appropriée pour en assurer la conservation afin d’être accessibles
aux administrateurs,
aux citoyens
et aux chercheurs.
4.1.7. "...soit transmis à l'institution d'archives compétente ..."
L'individu ou l'organisme producteur n'est pas toujours en mesure de conserver tous les documents requis de façon définitive. Leur transfert vers une autre institution d'archives, –un centre de conservation d'archives semi-actives ou un service d'archives définitives,– n'altère pas leur qualité d'archives. Au contraire, ce transfert contribue à la prolonger à condition, évidemment, de mener ces opérations selon des pratiques archivistiques appropriées.
4.1.8. "...en raison de leur valeur archivistique."
Les besoins de conservation de divers types de documents varient avec les besoins de son producteur.
Ainsi un grand nombre de documents d'archives, dont la conservation est impérative pendant une certaine période pour des fins légales ou comptables, deviennent périmés ou redondants après un certain laps de temps.
La valeur archivistique est ainsi comprise comme le jugement du responsable de la gestion des documents ou des archives définitives sur le statut des documents visés.
Ainsi, seront conservés pour une période déterminée à l'avance (voir Modules 4 et 5) dans un centre de conservation de documents, des séries de documents comptables en sachant, dès le moment de leur production, qu'ils seront détruits à terme.
D'autres types de documents, par exemple, des procès-verbaux, seront conservés de façon définitive dans un centre d'archives organisé et équipé pour en favoriser la préservation définitive.