3.2. Abstraction de la plate-forme matérielle
Le stockage prend la forme d’un ensemble de moyens organisés en système. Un « système de stockage » est un ensemble de logiciels et de matériels qui rendent un service pleinement défini.
Sachant que cette plate-forme va évoluer régulièrement puisqu’elle est constituée de matériels et de logiciels qui vont changer au cours du temps, sachant qu’elle va aussi devoir gérer des opérations de surveillance et de renouvellement des médias de stockage, il apparaît qu’il y a un grand intérêt à constituer cette plate-forme de façon autonome par rapport au reste du système d’archivage numérique.
Ce point de vue pragmatique repose essentiellement sur les retours d’expérience des plates-formes existantes.
Avec une telle approche :
• les évolutions de la plate-forme de stockage doivent être sans conséquence sur l’organisation logique de l’archivage : le producteur des données mais aussi l’Archive gèrent une organisation logique des données et la capacité de transformer ces données en une information intelligible. Cette organisation logique n’a aucune correspondance avec l’organisation physique des données sur les supports d’enregistrements, organisation qui changera au cours du temps en fonction des technologies et des supports disponibles,
• les changements de politique de la hiérarchie du stockage (classes de service) et les migrations des supports doivent être transparents, c’est-à-dire sans impact, sur les entités utilisatrices du service de stockage.
Il s’ensuit que les utilisateurs (appelés aussi clients) du service de stockage n’ont pas besoin de savoir sur quels supports d’enregistrement leurs documents sont stockés à un moment donné. Ils ont besoin de disposer des garanties de service adéquates en termes de pérennisation, intégrité, accès…
Il s’agit ici d’une approche en termes de service. C’est par exemple ce que nous attendons du courrier postal, à savoir que notre courrier parvienne à son destinataire en bon état et dans les délais prévus. Peu nous importe les moyens de transport que La Poste utilise pour acheminer le courrier.
Cette conception facilitera également la mutualisation, c'est-à-dire l’utilisation du service de stockage par différents groupes, départements, projets au sein de l’organisme, voire chez des organismes partenaires.
Complément :
Service de stockage au Centre national d’études spatiales (CNES)
Cet exemple est présenté plus en détail dans la section 12 consacrée aux études de cas. Il est ici résumé pour illustrer l’abstraction du stockage.
En 1990, le CNES disposait de plusieurs dizaines de milliers de bandes magnétiques 9 pistes contenant des données scientifiques.
En raison de plusieurs facteurs, notamment de la disparition annoncée des technologies de stockage sur bandes magnétiques 9 pistes et de la volonté de rendre les données scientifiques accessibles et utilisables par la communauté la plus large, le CNES a fait le choix, dès 1992, de la mise en place d'un service central de stockage.
La vocation de ce service est d’apporter une véritable garantie de conservation à long terme des bits, quelle que soit la technologie de stockage utilisée.
Ce service spécialisé en charge de pérenniser les fichiers est le STAF (Service de transfert et d’archivage des fichiers). On peut noter ici une confusion habituelle et perverse entre archivage et stockage).
Il est opérationnel depuis 1994 et se présente comme une entité indépendante des projets ou des services d'archive. Ces derniers sont les clients du STAF et s'adressent à lui au moyen d'un ensemble de commandes de base permettant notamment de demander le stockage ou la restitution d'un fichier ou d'un ensemble de fichiers. Ces communications passent par le réseau interne du CNES. Le STAF a donc une mission très simple :
• recevoir des fichiers sans avoir à connaître leur format ni leur contenu informationnel,
• assurer la conservation à long terme de ces fichiers,
• garantir leur intégrité,
• garantir leur confidentialité,
• les restituer à la demande.
Cette mission simple est en même temps une responsabilité très lourde puisque toute perte d'intégrité des fichiers conduit à la perte des informations contenues.
Aujourd'hui, les migrations de support sont réalisées de façon continue par le STAF et ne sont pas visibles des clients du service. En quinze ans d'existence et avec une volumétrie qui s'approche à grands pas du pétaoctet, le STAF n'a pas perdu une seule donnée, il a démontré l'intérêt et l'efficacité des principes sur lesquels il a été construit, à savoir une totale indépendance de la fonction de stockage par rapport aux autres entités fonctionnelles d'un service d'archivage long terme.
L'approche, retenue aujourd'hui pour nombre de grands sites d'archivage numérique repose sur les mêmes principes.