2.3. Autres matériaux
Les autres matériaux susceptibles d’entrer dans la composition des documents d’archives traditionnels peuvent connaître aussi des altérations, soit spécifiques, soit en liaison avec d’autres matériaux, soit les deux. En effet, le caractère composite de nombreux documents peut engendrer des dommages dus à un mode d’altération différent des matériaux.
Nous ne ferons ici qu’un très bref aperçu des détériorations possibles sans entrer dans le détail.
Les encres et pigments
Le cas des encres métallo-galliques est étudié fait l'objet d'un chapitre spécial.
De nombreuses encres pâlissent sous l’effet de la lumière, notamment du rayonnement ultra-violet, au point qu’elles deviennent parfois quasiment invisibles à l’œil nu. Les encres à base d’extraits végétaux et de nombreuses encres commercialisées depuis le début du XIXe siècle jusqu’à nos jours sont particulièrement sensibles.
Les colles
Qu’elles soient d’origine végétale ou animale, les colles sont sensibles aux variations climatiques, à l’humidité et à la chaleur : elles peuvent se dessécher, perdre leur capacité d’adhérence, migrer dans le support, jaunir ou brunir, etc. Le cas particulier des auto-collants est étudié dans un chapitre spécial.
Elles sont aussi particulièrement sujettes aux détériorations biologiques : de nombreux micro-organismes et insectes peuvent les attaquer.
Le cuir
Les capacités de vieillissement du cuir et ses processus de détérioration dépendent de la qualité de la peau, mais aussi des divers traitement qu’elle a pu subir: déchaulage, confitage, tannage, finissage.
Les tannages à l’alun sont souvent plus résistants dans le temps que les tannages végétaux. Par ailleurs, parmi ces derniers, les cuirs tannés depuis les deux cents dernières années se détériorent plus rapidement que les cuirs plus anciens.
L’altération du collagène se fait par des processus similaires à ceux qui affectent la cellulose — oxydation, hydrolyse, réticulation —, mais qui sont plus complexes et moins connus. Ils sont liés aux facteurs externes et internes, plus particulièrement : l’acidité, le contenu en eau, le contenu en graisse, la chaleur et la lumière.
Complément : Les altérations du cuir
Les altérations dues à l'acidité : elles peuvent être dues à des facteurs internes ou externes.
Facteurs internes : le cuir a un caractère acide naturel lié aux traitements qu'il a subis, notamment le tannage, mais aussi les procédés de décoration. Cette acidité peut s'accentuer sous l'effet d'une humidité excessive et entraîne alors des altérations. Il devient alors extrêmement fragile. Certains cuirs deviennent très sensibles à l'eau : une goutte peut provoquer une brûlure acide définitive qui se traduit par le noircissement.
Facteurs externes : la source majeure d'acidité est la pollution de l'air, plus particulièrement la pollution acide de composés de soufre. Les processus d'altération trouvent leur expression la plus aiguë et la plus grave dans ce que les anglophones appellent la " red rot " ou pourriture rouge : le cuir prend une coloration rougeâtre et se désagrège en poussière.
Les altérations dues au contenu en eau : Le contenu en eau du cuir dans une atmosphère normale, 18°C, 50 à 50% d'HR est d'environ 14% ; l'eau assure le rôle de lubrifiant entre les fibres et assure au cuir sa souplesse et son élasticité. Si l'humidité relative baisse beaucoup, le cuir se dessèche, devient dur et fragile. De plus, le rétablissement de conditions hygrométriques plus favorables ne permet pas forcément une ré-hydatration complète du cuir : tout dépend de l'intensité et de la durée de la période sèche. La plupart des cuirs de reliure supportent mal d'être mouillés : ils peuvent changer de couleur, perdre leurs tanins, gonfler. Le séchage du cuir altéré gorgé d'eau provoque un rétrécissement.
Les altérations dues au contenu des graisses : Le cuir contient naturellement des graisses en plus ou moins grande quantité selon l'animal d'origine et les traitements subis. Ces graisses augmentent la souplesse et l'élasticité du cuir et le protègent contre les variations hygrométriques. Mais ces graisses sont plus ou moins oxydables selon leur nature et peuvent, en se décomposant, augmenter l'acidité du cuir. La présence de graisses inadaptées produits pour chaussures par exemple ou en quantité excessive favorise aussi la dégradation biologique. C'est pourquoi un traitement des reliures, considéré comme préventif, avec des produits inadaptés peut provoquer un effet contraire à celui recherché, situation d'autant plus grave que ce type d'intervention est irréversible, l'élimination totale des graisses ayant pénétré dans le cuir étant impossible. En revanche, un apport de graisses adaptées à certaines cires spéciales mises au point en laboratoire, est considéré comme un bon moyen de protéger les reliures contre les facteurs extérieurs de dégradation, notamment la pollution de l'air.
Les altérations biologiques : Le cuir est naturellement peu sensible aux altérations biologiques. Les produits de tannage, le contenu en acidité ne sont pas favorables au développement des bactéries et champignons. Toutefois, dans des conditions d'humidité très élevées, les attaques de micro-organismes sont possibles.
Par ailleurs, certains insectes apprécient particulièrement le cuir, principalement les blattidés, les anobiidés et les dermestidés (liens vers les pages).
Les altérations dues à la chaleur et à la lumière : Le tannage augmente la capacité de résistance à la chaleur du cuir par rapport à la peau brute : un cuir tanné neuf eut résister à une température de 80°C, mais un cuir altéré supporte des températures bien moindres et peut déjà souffrir à 60°C. A noter que cette température est facilement atteinte par l'action du soleil à travers une vitre.
La lumière provoque la décoloration du cuir : il n'est pas rare de le constater sur les dos des livres, alors que les plats, protégés par le rangement, ont conservé leur couleur.
Les altérations mécaniques : L'utilisation du cuir comme matériau de reliure le soumet à des tensions et des contraintes mécaniques qui peuvent lui être préjudiciables, notamment dans tous les endroits appelés à " travailler ", charnières, dos et de ce point de vue les méthodes de reliure ont une part de responsabilité dans la dégradation des volumes.
L'altération du cuir se manifeste visiblement par l'apparition de craquelures dans sa couche papillaire. La couche la plus superficielle du derme. D'abord microscopiques, elles s'accentuent peu à peu et peuvent aboutir à former des écailles. Le cuir devient alors très sensible à tout frottement ou même à toute pression.
Le bois
Matériau cellulosique par excellence, il est très sensible aux variations climatiques, peut gonfler ou se rétracter, ce qui entraîne déformations et fractures.
Il est aussi très sensibles aux facteurs biologiques : micro-organismes et nombreux insectes, notamment les vrillettes (lien vers la page des anobiidés) et les termites (lien vers la page)Les cires et résines naturelles
Elles craignent beaucoup les variations climatiques, les fortes chaleurs, la sécheresse.
Elles deviennent facilement friables et sensibles au moindre choc ou frottement. C’est pourquoi il faut manipuler les documents scellés ou cachetés avec le plus grand soin.
Elles sont également sujettes aux attaques biologiques.
Les textiles
La majorité des textiles anciens que l'on trouve dans les archives sont faits de cellulose, sauf la soie qui est d’origine animale : ils sont donc sensibles aux mêmes facteurs de détérioration et présentent le même type d’altérations que le papier.
De plus, la détérioration des pigments qui souvent leur donnent leur teinte entraîne une décoloration sous l’effet de la lumière.
Enfin, ils sont particulièrement appréciés par certains insectes, notamment les attagènes et les anthrènes.
Les métaux
Tous les métaux, à quelques très rares exceptions près, sont sujets à oxydation sous l’effet de l’humidité. Ce phénomène chimique est aussi dommageable pour les matériaux avec lesquels ils sont en contact.