3. Réagir en cas de sinistre
Malgré tous les efforts de prévention, une catastrophe peut se produire. Il est donc utile de connaître les mesures à prendre en cas de sinistre.
Nous n'envisagerons ici que les deux sinistres les plus fréquents, qui du reste découlent souvent des autres types de catastrophes : le dégât des eaux et l'incendie.
3.1. Le dégât des eaux
Le dégât des eaux peut aller d'une simple infiltration, à la suite d'une fuite dans la toiture par exemple, jusqu'à la véritable inondation. Il peut être dû à une cause directe, fortes pluies, crue de rivière, rupture de canalisations, ou à une cause indirecte (intervention des pompiers lors d'un incendie).
Signalons que le site commun des archives nationales et de la bibliothèque nationale du Canada présente de façon claire et synthétique sous la forme d'un tableau les actions à mener et les précautions à prendre en cas de dégât des eaux pour les parchemins et papiers, les supports photographiques, les microfilms, les peintures, les bandes magnétiques, les médailles et sceaux à l'adresse suivante :
http://www.collectionscanada.gc.ca/a-notre-sujet/mesures-urgence/012015-207-f.html
3.1.1. Premières mesures d'urgence
Dans tous les cas, il conviendra d'agir sur les documents directement atteints, mais aussi sur ceux qui sont stockés à proximité. Il faut notamment rétablir autant que possible des conditions climatiques conformes aux normes de conservation dans les magasins où sont stockés les documents afin d'éviter la prolifération de moisissures.
Par ailleurs, il faut accorder un peu de temps avant ou pendant l'évacuation des documents inondés à la prise de photographies qui seront remises à la compagnie d'assurance. Dans certains cas, par exemple une inondation liée à un vice de construction du bâtiment, il peut s'avérer utile de faire établir un constat d'huissier afin de mettre en œuvre ultérieurement les procédures concernant les garanties.
Il peut aussi être utile de faire appel immédiatement à un conseiller expérimenté pour prendre les mesures d'urgence, notamment lorsque d'autres supports que le papier sont concernés par l'inondation.
Enfin, il est indispensable de connaître les différents types d'intervention possibles et les gestes qui sauvent, ainsi que ceux à éviter absolument.
![]() Attention | Ce qu'il ne faut surtout pas faire
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![]() Ce qu'il faut faire | Les bons gestes pour une remise en état rapide après le sinistre
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Deux méthodes de séchage peuvent être employées
Le séchage à l'air
La congélation et la lyophilisation
3.1.2. Le séchage à l'air
Le séchage à l'air ne peut être envisagé que pour de petites quantités de documents humides et non mouillés.
Cette méthode, simple mais qui demande beaucoup de main-d'œuvre et de travail, peut être utilisée pour tous les documents sur papier, sauf ceux sur papier couché.
Les conseils que l'on peut donner sont les suivants:
Utiliser une pièce vide et propre avec une hygrométrie d'environ 40% à50%.
Maintenir la température à environ 20°C.
Placer des ventilateurs pour brasser autant que possible l'air et accélérer le séchage en veillant à ce que les courants d'air n'atteignent pas directement les documents au risque de les endommager ou de les disperser.
Par temps sec, l'ouverture des fenêtres permet l'évacuation de l'air humide, mais peut entraîner des variations climatiques préjudiciables.
Si c'est possible, il est donc préférable d'installer dans la pièce des déshumidificateurs industriels.
Les documents doivent être placés en feuillets individuels ou en petits paquets de quelques feuilles sur des tables ou sur les sols, en interposant du papier buvard ou du papier d'emballage propre, mais jamais du papier journal imprimé.
Les livres et volumes peuvent être placés debout
ouverts en éventail, mais il faut veiller à ne pas forcer le dos de la reliure au moment de l'ouverture. Pour éviter les déformations, il peut être utile de mettre ces documents sous presse quand ils sont presque secs, puis les remettre à sécher et encore une fois sous presse quand ils sont secs.
3.1.3. La congélation et la lyophilisation
La congélation est vivement conseillée chaque fois qu'elle est techniquement possible. C'est une mesure d'urgence qui permet de stabiliser l'état des documents, d'éviter les déformations physiques et la contamination biologique. En effet, une fois les documents congelés, il n'y a plus d'extrême urgence et l'on peut alors prendre le temps d'étudier les meilleures solutions pour leur traitement ultérieur. La rapidité des décisions n'est plus conditionnée que par les coûts de stockage dans une entreprise de congélation.
La procédure est la suivante:
Séparer les volumes reliés et les matières ayant une nature différente par des feuilles intercalaires en plastique
Si les feuillets ne sont pas collés ensemble, et seulement dans ce cas, séparer les feuillets des documents importants ou précieux avec du papier blanc ou des des feuilles de polyéthylène ou polypropylène
Placer les documents mouillés ou fortement humides dans des sacs en polyéthylènes ou polypropylène d'environ 30x40cm sur une épaisseur ne dépassant pas, si possible, 5cm
Congeler les documents très rapidement à une température aussi basse que possible, inférieure à – 20°C, de préférence dans un congélateur industriel. Si l'on doit utiliser un congélateur ménager, ne pas le surcharger.
Ce qu'il ne faut absolument pas faire sans l'avis d'un spécialiste:
Congeler des supports photographiques
Congeler des parchemins et des sceaux
Pour ces derniers supports, ainsi que pour les papiers calques, le séchage à l'air est de loin la meilleure solution.
La lyophilisation est un procédé de déshydratation utilisé couramment dans l'industrie alimentaire. Depuis quelques années, il est aussi appliqué au sauvetage de biens culturels inondés,pour lequel il a donné des résultats plutôt satisfaisants. Il est notamment efficace pour les documents sur papier.
Toutefois, il convient de modérer son enthousiasme pour les raisons suivantes:
La lyophilisation peut entraîner des déformations irréversibles du papier et des reliures
Lorsque les encres et couleurs diluées par l'eau ont diffusé dans le papier, elles restent dans l'état où elles étaient lors de la congélation
Les parchemins et les reliures en cuir peuvent se contracter de manière irréversible
3.2. L'incendie
Dans tous les cas, il convient d'appeler les pompiers, même si le départ d'incendie semble à première vue maîtrisable, car un feu prend très vite des proportions importantes.
Les petits foyers d'incendie peuvent être maîtrisés si on les découvre à temps. Pour ce faire, les services d'archives, même quand ils sont équipés d'une installation d'extinction automatique, doivent être munis d'extincteurs portatifs d'une taille suffisante pour être efficaces.
Il existe plusieurs types d'extincteurs qui ont tous leurs avantages et leurs inconvénients:
Les extincteurs à la neige carbonique sont proscrits.
Les extincteurs au gaz inerte, notamment le CO2, ont remplacé ceux au gaz halon désormais interdit pour des raisons écologiques. Le gaz peut provoquer des dommages à cause de la température très basse du gaz sortant de l'extincteur (environ -40°C), mais les interactions chimiques sont rares. Ces extincteurs étouffent le feu dans des matières organiques, mais n'écartent pas toute reprise d'incendie.
Les extincteurs à poudre utilisent généralement du carbonate de sodium qui s'avère très efficace. Mais les documents doivent ensuite être soigneusement nettoyés.
Si l'incendie est plus important, il faut le circonscrire autant que possible en attendant les pompiers en bouchant toutes les ouvertures du local concerné et en évitant à tout prix les courants d'air qui attiseraient le feu. Des serpillières ou chiffons mouillés placés au bas des portes empêchent notamment la propagation des fumées qui peuvent gêner l'intervention des sauveteurs.
L'intervention des pompiers, même pour un sinistre limité, implique souvent que des quantités très importantes d'eau soient amenées dans le bâtiment. Il peut donc être utile d'évacuer, si possible, les magasins situés sous les locaux atteints par le feu.
Après le passage des pompiers, les livres et documents mouillés seront traités comme pour n'importe quel dégât des eaux.