9.2. Principe de la similigravure
La similigravure est nécessaire à la confection d'une forme imprimante appelée communément le cliché. C'est cette forme imprimante qui va reporter l'encre sur le papier. Comme cette forme est encrée de manière uniforme par la presse d'impression , il est nécessaire de fragmenter l'image en points de différentes grosseur afin de rendre les nuances de densité de l'image. Ces points sont répartis de manière régulière selon une trame, dont le nombre de points par pouce constitue la linéature. Dans les zones claires, les points sont petits et de fait espacés, donnant l'illusion d'un gris clair; dans les zones foncées les points sont gros et se recouvrent, donnant l'illusion du noir dense.
On l'a appelée similigravure, car elle a remplacé les gravures que les artistes traçaient à la main par des photographies traitées par ce procédé photomécanique, peu avant 1900. L'image tramée était obtenue en projetant l'image en niveaux de gris sur des émulsions à haut contraste à travers des plaques de cristal empreintes de micro prismes. Ensuite, le cliché en simili était obtenu par une attaque à l'acide des zones non exposées d'une plaque de zinc photosensibilisée.

Pour reproduire le ventilateur ci-dessus dans un document imprimé, on partira d'un fichier en niveaux de gris à 300 dpi. Il sera converti en points ( au mode bitonal) pour l'impression. Le carré délimitant le "détail trames" sur cette figure correspond aux reproductions tramées montrées ci-dessous

La figure ci-dessus montre l'agrandissement de deux trames d'imprimerie appliquées à la reproduction du détail ciblé sur la figure ci-avant. La trame 133 lpi s'applique à un magazine, la trame 32 lpi à une affiche de grande taille.
"lpi" veut dire 'Line per Inch' c'est à dire lignes par pouce. Ce terme provient du procédé de fabrication des trames en cristal, qui étaient rainurées en lignes pour former les pyramides condensant la lumière.
Ce principe est appliqué pour les procédés d'impression par typographie avec une forme imprimante en relief nommée « cliché » Les actuels procédés d'impression « offset » ou calcographie utilisent une forme imprimante sans relief constituée d'une plaque d'aluminium recouverte d'émulsion de gélatine. La plaque est mouillée avant encrage, et les zones humides repoussent l'encre, et les autres sèches, prennent l'encre.
Interaction entre la trame et les pixels
Pour constituer une image apparaissant à l'oeil comme à tons continus, la trame va constituer un réseau régulier de points noirs dans le cas des illustrations en « noir et blanc ».
Pour les images en couleurs il faut générer quatre plaques que l'on encrera avec des encres dites primaires, le Cyan, le Magenta, le Jaune et le Noir (CMJN).
Le résultat de l'impression est une image, faite de points alignés selon la linéature (ou fréquence) de la trame. Lors de la numérisation, le numériseur va y superposer sa propre trame, celle des pixels formant l'image numérique. Et c'est là le grand problème, il va en résulter un moirage disgracieux, comme lorsque l'on superpose deux épaisseurs de l'étoffe d'un voilage.

Lors de la consultation à l'écran, en changeant d'échelle, il se produit des aspects de moirage changeant selon l'interférence entre la trame originale et la grille des pixels de l'écran.
Lors de la réimpression, il se produit le même phénomène entre la trame originale du document et la trame de l'imprimante qui reproduit le document.
Complément : Procédé bitonal
Dans le procédé bitonal appliqué à des originaux comprenant et/ou des gravures et des similigravures à trame grosse ( moins de 100 lpi ou trame inférieure à 100 lignes par pouce), on peut prendre le parti de reproduire le tout en 300 dpi ou plus. C'est infiniment plus simple pour l'opérateur à partir du moment où les essais de densité sont effectués. Il est à noter que dans ce cas, la consultation à l'écran n'est pas «agréable», mais l'impression est de la meilleure qualité pour chacune des imprimantes utilisées. La photographie cependant peut montrer des contrastes variables et un aspect granuleux sur les imprimantes à basse définition (moins de 600dpi).
Numérisation bitonale en 300 dpi d'un catalogue de facture soignée : la lecture est aisée, les images sont un peu dégradées,voire moirées, mais acceptables. |
Numérisation bitonale en 600 dpi : les images sont plus fines et le document est reproductible dans de bonnes conditions, même en imprimerie de type "bulletin d'histoire locale" |
Attention !
Sur les exemples ci-dessus, les images ne sont pas réellement au mode bitonal, il s'agit d'une simulation permettant d'apprécier des différences, comme si l'on lisait le document réimprimé, sans s'approcher pour voir les détails.
Complément : Numériser des pages entières en tons continus
La numérisation des pages entières en niveaux de gris avec détramage conduit à rendre un peu flous les caractères du texte, les filets et gravures au trait, au profit du rendu des photos.
Ce procédé a l'avantage d'obtenir assez facilement une page apte à l'impression domestique, mais parfois dans un volume supérieur à celui d'un fichier bitonal. Il faut veiller à détramer efficacement les images, car ce sont les points de la trame qui augmentent la taille du fichier( leur description est plus compliquée qu'une étendue de gris uniforme)
Aspect lègèrement flou d'une page numérisée en niveaux de gris avec détramage global |
Rappel !
Il n'est pas nécessaire de détramer les ouvrages en héliogravure. L'acquisition est fait en mode niveau de gris sans autre artifice qu'une bonne balance des luminosités.
Complément : Choix avancés concernant les numérisations d'imprimés
Avant de se lancer dans les détails exécutoires d’une numérisation d’imprimés, il est nécessaire de se rappeler :
que la numérisation de l’imprimé sera toujours un compromis entre la qualité et le temps ou l’espace disque que l’on veut y consacrer,
que la numérisation des imprimés est très techniques (sa réussite se fait au moment même de la numérisation: on veillera donc à la confier à du personnel compétent).
Pour la reproduction de pages composites
Il est possible de reproduire assez simplement une page dans un bulletin d'information, à l'aide d'un fichier photo unique, comme indiqué ci-dessous.
1. Acquérir la page entière en mode niveau de gris, sans détramage et en 300dpi: les textes apparaissent assez nets, les photos apparaissent non détramées.
Page brute de numérisation : la photo est moirée, le fond est gris, les caractères sont "mous" - Cette page au format tiff avant retouche fait 2 mégaoctets et, après retouche seulement, 700Koctets. La grande taille du fichier de la page brute est due à la description complexe de la trame et du fond en papier. |
2. Ouvrir le fichier dans un logiciel de retouche, sélectionner uniquement l'image (ou les images) et appliquer un filtre de détramage en post-traitement sur ces zones.
Intervertir la sélection et augmenter le contraste ou changer les niveaux sur le texte: le fond en papier disparaît ou s'éclaircit et les caractères gagnent en vigueur.
La page est maintenant prête à être intégrée dans une composition ou en ligne, de manière simple. Mais il faut avoir à l'esprit que l'impression de ce document se traduira par un tramage des textes par l'imprimante ou la flasheuse de l'imprimeur.
Page retouchée : la photo est détramée, sa densité est adaptée, le fond est clair et les caractères bien nets |
Pour la reproduction fine en ouvrages imprimés
Pour la réédition d'ouvrages anciens en imprimerie, il faudra assurer une reproduction des textes et gravures sans trame, et des photographies (similigravures) avec une trame.IDEM On procède par une bitonalisation intégrale des documents sources, puis par la méthode des "deux couches" si les similigravures ne se traduisent pas bien à la réimpression.
1. Acquérir les pages entièrement au mode bitonal en haute définition (1200 à 2400 dpi), la photographie apparaît avec la trame d'origine dans ce premier fichier qui sera utilisé pour la restitution des textes, gravures et filets. Si l'original a été imprimé sur un papier glacé ou couché de bonne qualité, on pourra conserver ce document dans son intégralité en bitonal et le reproduire en offset tel quel, si les points de la trame sont bien formés et nets. Dans le cas contraire, on devra passer à la seconde phase: transformation de la photo tramée en niveaux de gris.
Première couche de la page acquise en mode bitonal: les caractères qui vont être conservés pour la reproduction sont bien nets et seront reproduits sans tramage |
Acquérir à part les similigravures en mode niveau de gris avec un détramage et pratiquer une correction globale de l'image en matière de contraste, niveaux, etc.
2. Les fichiers en niveaux de gris sont ensuite replacés par dessus la page bitonale, dans un logiciel de composition (prépresse). La réserve de l'image en niveau de gris est très légèrement agrandie pour couvrir le fantôme en mode bitonal, ou celui-ci est effacé dans le fichier et remplacé par un cadre fin plus petit que l'image, juste pour l'aide au positionnement. Ces images en niveaux de gris peuvent être retravaillées et même leur rendu amélioré par rapport à l'original pour augmenter la lisibilité.
La page finie : la photo est détramée, sa densité est adaptée, le fond est clair et les caractères seront imprimés au mode bitonal avec la définition maximale de la photocomposeuse |
Attention !
L'acquisition d'un document au mode bitonal est relativement aisé et peu coûteux, par contre le procédé des deux couches, nécessitant des retouches et de la mise en page reviendra plus cher, et de plus en plus cher selon le nombre des photos en similigravure. L'imprimeur devra en outre être très compétent (inutile de demander ceci à une imprimerie de labeur).
9.3. Solutions de numérisation
Devant ce problème, la numérisation devient complexe et il faudra jouer des compromis. Par essence, l'imprimé est déjà une reproduction, la numérisation devient une reproduction de la reproduction. Dans ces circonstances, l'objectif devient unique : la diffusion. Les critères de qualité passeront donc au second plan, et l'objectif sera de faire :
un document léger pour sa diffusion,
une reconnaissance (indexation) du texte pour faciliter les recherches.
Les images seront dans la plupart des cas détramées, c'est à dire qu'un genre de flou sera appliqué sur les similigravures pour escamoter les points de la trame. Ce même flou s'appliquera globalement sur les textes, sauf sur certaines machines qui ont des logiciels de reconnaissance permettant de différencier les textes des images se traduisant par une image « tuilée » avec des flous sur les images et un texte en bitonal (ou vectorisé dans le cas d'Adobe Acrobat ®)
Ci-dessous, une image d'un programme de théâtre montre les zones non détramées (encadrées de turquoise) sur un arrière-plan entièrement détramé. La résolution est de 300dpi, ce qui n'est pas indispensable avec les imprimés courants où l'on peut se limiter à 200dpi avec un détramage global. Extrayez l'image de la galerie et affichez la à diverses échelles, la trame entrera en résonance à certains rapports d'agrandissement, mais pas à tous.
En observant cette image, on voit que la trame de l'illustration de la danseuse est peu sensible au moirage, et que le détramage global ne dégrade pas excessivement le document.
Cette solution passe-partout est très pratique, on peut même l'appliquer aux coupures de journaux anciens. Le détramage est à adapter à la taille de la trame sur le numériseur.
Il existe aussi un argument massue à l'utilisation d'un détramage efficace : un fichier détramé voit sa taille après compression réduite drastiquement, parce que la description de zones en demi-tons est moins complexe que celle des points de la trame. Un bon détramage réduit la taille des fichiers d'au moins 50%.