Module 8 - Section 4 : Lutter contre les facteurs de détérioration et de vieillissement

5.2. Le conditionnement des documents

Le conditionnement fait partie de la conservation préventive, tant il est vrai qu'un document bien protégé a davantage de chances de vieillir sans trop de dommages.

Ce conditionnement a un coût qui doit être prévu au mieux dans le budget du service d'archives.

Il représente aussi un temps de travail non négligeable : il convient donc de programmer les campagnes de conditionnement et de reconditionnement, au même titre que d'autres tâches techniques du service.

L'utilisation de la boîte de conservation spéciale est fortement recommandée pour les archives définitives. Toutefois son coût assez élevé peut être prohibitif pour certains services. Dans ce cas, on peut admettre d'autres types de conditionnement, tels l'enliassage ou la boîte d'archives ordinaire, moyennant le respect de certaines règles.

A l'intérieur des boîtes, les documents doivent être protégés individuellement ou par petits paquets.

Enfin la méthode l'encapsulation, qui consiste à placer un document entre deux feuilles de polyester partiellement soudées, peut être très intéressante comme méthode de conservation, mais aussi comme solution d'attente ou comme alternative à un traitement de restauration pour des documents individuels en mauvais état.

5.2.1. L'enliassage

Traditionnellement l'enliassage consistait à emballer les archives dans du papier kraft maintenu par une ficelle. Ce type de conditionnement est très nocif et doit être absolument proscrit, car le papier kraft ordinaire est extrêmement acide et la ficelle, souvent trop serrée ou se resserrant avec les variations climatiques, coupe le bord des documents.

Toutefois, s'il n'est pas possible de faire mieux pour des raisons économiques, il est encore préférable d'enliasser que de laisser les documents sans aucune protection. Plusieurs fournisseurs spécialisés proposent aujourd'hui à un coût moindre que les boîtes de conservation un papier kraft désacidifié qui peut être utilisé pour un enliassage respectueux des règles de conservation.

L'emballage doit se faire de préférence à double épaisseur et la ficelle d'autrefois doit être remplacée par une sangle à velcros pas trop serrée. La sangle à boucle de métal doit être évitée car elle peut rouiller et l'ardillon peut accrocher d'autres documents.

Il convient enfin d'ajouter que, si dans l'immédiat, une telle solution peut sembler économique, elle se révèle souvent coûteuse à terme, car pour maintenir une bonne protection des documents, il faut refaire régulièrement à neuf la liasse, alors qu'une boîte de conservation de bonne qualité dure des années.

5.2.2. Boîtes d'archives en carton ordinaire

Il s'agit de la boîte couramment utilisée dans les bureaux. C'est souvent dans ce type de contenant que les documents arrivent des services versants.

Fabriquée à partir de papiers recyclés ou de pâtes de bois, elles sont très acides et de très mauvaise qualité. Elles vieillissent vite et mal.

Ce type de boîte peut continuer à être utilisé pour les archives éliminables, même à long terme. Il convient néanmoins de veiller à choisir un carton solide : on évitera notamment le carton ondulé ou cannelé. Le système de pliage et fermeture de la boîte a aussi son importance pour sa longévité.

En revanche, ces boîtes sont fort déconseillées pour les archives définitives. Si l'on doit néanmoins s'y résoudre en attendant mieux, on devra choisir un modèle qui s'ouvre complètement. De plus, on veillera à ce que les documents ne soient pas en contact direct avec les parois de la boîte en les isolant dans des chemises de carton non acide.

5.2.3. Boîtes de conservation

C'est sans conteste la meilleure solution pour une bonne protection des documents.

Ces boîtes sont généralement fabriquées en carton épais de pure cellulose, avec charge alcaline qui agit comme un filtre pour la pollution acide de l'air.

Tous les matériaux utilisés (papiers, colles, métaux, rubans) doivent être stables à long terme. Les agrafes métalliques doivent être inoxydables, bien repliées et si possible recouvertes de papier pour éviter qu'elles n'accrochent les documents.

Les systèmes de fermeture à velcro, si toutefois elles sont assez solides, sont aujourd'hui plus pratiques que les rubans à nouer.

La taille de la boîte doit être adaptée aux documents que l'on souhaite y conserver. En général, on recommande un format dépassant de 5cm en longueur et en largeur la taille des documents.

Il faut préférer les boîtes permettant une ouverture complète par le dessus avec un côté latéral se rabattant : ainsi les documents peuvent être tirés sans difficultés sur la table de consultation; sans que la main ait à plonger dans la boîte pour aller les chercher.

Les boîtes doivent être de préférence rangées à plat, car lorsqu'elles ne sont pas totalement pleines, les documents ont tendance à se tasser et à s'effondrer. Si le rangement à plat n'est pas possible, il faut caler les documents avec de la mousse spéciale exempte de toute acidité.

Depuis quelques années sont apparues sur le marché des boîtes en polypropylène expansé. Leur grande solidité ne fait aucun doute et d'après certains archivistes, il semblerait que ce type de matériau donne satisfaction pour la conservation. Mais son innocuité totale reste à prouver sur le long terme. Et son usage est fortement déconseillé dans les milieux où il est difficile d'avoir une totale et constante maîtrise de la chaleur et du taux d'hygrométrie en raison de son étanchéité à l'air qui peut provoquer la création d'un micro-climat défavorable à l'intérieur de la boîte.

5.2.4. Les cartons à dessin

Les documents de grand format doivent être conservés dépliés et à plat, dans des cartons à dessin solides de format supérieur à celui du plus grand document contenu.

Les modèles montés avec un dos en toile doivent avoir une épaisseur du dos qui correspond au contenu prévu.

De plus, il est préférable d'utiliser des cartons à dessin avec trois attaches en toile, pour éviter que le contenu puisse glisser hors du carton quand on le manipule.

Les sociétés spécialisées commercialisent des cartons à dessin de conservation assez onéreux.

Quand, pour des raisons économiques, il n'est pas possible d'utiliser ce type de cartons, on peut pallier cette situation de façon acceptable en prenant des cartons à dessin ordinaires et en protégeant les documents de tout contact avec ces cartons par une double enveloppe de carton souple et de papier de conservation.

Il faut toujours mettre une séparation entre des documents constitués de matières différentes, par exemple entre des affiches imprimées sur papier ordinaire et des affiches imprimées sur papier de meilleure qualité, ou entre les divers types de copies de dessins d'architecture.

Une séparation individuelle de chaque pièce s'impose.

En tout état de cause, il faut absolument éviter de disposer des documents directement et sans autre protection dans un carton à dessin.

5.2.5. Les chemises, enveloppes et dossiers à rabats

Quelle que soit la qualité de la boîte utilisée pour les contenir, les documents ne doivent pas y être rangés directement. Il faut les protéger au moyen de chemises ou d'enveloppes. Ces chemises sont de plus souvent indispensables pour traduire concrètement le classement des documents en dossiers, sous-dossiers, etc.

Le matériel couramment utilisé dans les bureaux ne répond en rien aux exigences de la conservation, bien au contraire, et il convient de le remplacer lors du conditionnement définitif par des chemises, enveloppes et dossiers spécialement conçus pour la conservation.

Une chemise est une feuille pliée en deux. Elle doit toujours être légèrement plus grande que le document à protéger.

Les chemises sont en contact direct avec le document à préserver: c'est pourquoi leur qualité chimique est d'une très grande importance. Il faut utiliser des chemises en papier de conservation de 100 à 120g, sans bois, avec une charge alcaline de 2% à 3 % de carbonates de calcium.

Les enveloppes sont utilisées

  • soit comme protection en combinaison avec des boîtes d'archives,

  • soit comme protection unique pour des documents de plus grand format.

Dans le premier cas, les enveloppes doivent être fabriquées avec le même type de papier que les chemises; le rabat de l'enveloppe ne doit ni être collé ni être autocollant, et pour la confection de l'enveloppe on doit utiliser des colles chimiquement stables et avec un pH neutre.

Les enveloppes de format supérieur à C4 (229 x 324 mm) doivent être faites d'un matériau plus lourd, selon leurs dimensions, du carton souple de 200 à 300g.

Lorsque les enveloppes sont destinées à contenir plusieurs documents, il est préférable de choisir un modèle à soufflets.

Les dossiers à rabats sont destinés à grouper plusieurs chemises; ils sont en carton souple et possèdent sur un, deux ou trois côtés un rabat qui maintient un groupe de chemises; ils sont parfois munis de liens en toile.

Confectionnés en papier lourd ou en carton souple d'un poids allant de 200 à 400g en fonction du format et du poids du contenu. On préférera les dossiers formés d'une seule pièce; les éventuelles parties collées le seront avec une colle neutre, si possible naturelle (colle d'amidon).

5.2.6. L'encapsulation sous polyester

La qualité du polyester utilisé pour l'encapsulation est essentielle et seuls les matériaux adaptés à la conservation doivent être utilisés.

En aucun cas, il ne faut utiliser les pochettes en PVC commercialisées dans les magasins à grande surface ou par les fournisseurs de matériel de bureau. Ce matériau est très acide et très nocif pour la conservation des papiers, des photographies, des diapositives, etc.

Les trois grandes marques de polyester utilisables les plus courantes, commercialisées par les sociétés spécialisées dans le matériel de conservation, sont :

  • Le Mylar D

  • Le Melinex 0 ou 516

  • Le Terphane 40-01 ; ce dernier est plus cassant, mais son utilisation n'est pas proscrite.

Le polyester existe en différentes épaisseurs. Les plus utilisées sont :

  • le 3 mil (=75µ ou 0,003 pouces)

  • le 5 mil (125µ ou 0,005 pouces) est préférable pour encapsuler des documents de grande dimension.

Le polyester de conservation peut être acheté :

  • en rouleaux de différentes dimensions et épaisseurs, à découper au format souhaité et à souder avec une machine à souder électrique

  • sous forme de pochettes pré-dimensionnées pour différents usages : pochettes A4,pochettes partitionnées pour photographies, diapositives, négatifs, etc.

Du point de vue chimique, le polyester de conservation a d'excellentes propriétés ; il est solide et durablement transparent.

En revanche, outre son coût nettement plus élevé que le papier de conservation, il présente un certain nombre d'inconvénients qu'il ne faut pas ignorer pour l'utiliser à bon escient :

  • Le polyester limite fortement les échanges hygrométriques. En cas d'un brusque changement de température, l'humidité peut condenser à l'intérieur de la pochette, avec de graves conséquences.

  • les échanges gazeux sont également réduits. Si cela peut protéger le document contre les polluants extérieurs, c'est évidemment nuisible quand le document lui-même dégage des composantes agressives.

  • Le polyester est électrostatique. Il tend à se charger avec le temps et attire ainsi la poussière ou des parties pulvérulentes du document à conserver.

Attention
  • En conséquence, il ne faut surtout pas encapsuler :

    • Les miniatures sur parchemin

    • Les pastels

    • Les dessins au fusain, à la sanguine, à la craie ou au crayon graphite.

Attention

Le mode de confection de l'emballage en polyester joue aussi un rôle important:

  • il faut éviter de former des pochettes étanches. Le montage du document entre deux couches de polyester complètement soudées par ultrason ou scellées avec des rubans autocollants double face est à déconseiller.

Ce qu'il faut faire
  • Il est préférable d'unir les deux feuilles par des points de soudure espacés de quelques centimètres au moins. Toutefois, les pochettes pré-dimensionnées soudées sur deux ou trois côtés sont acceptables pour les documents de petites dimensions.

Attention
  • L'utilisation d'autocollants, même s'ils ne sont pas en contact direct avec l'original, doit être proscrite.

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