4.1.2. Eléments notables
Loi tunisienne
Archives publiques : définition
Le chapitre I est le chapitre le plus développé ; rien que de très normal, puisqu'il est consacré aux archives publiques, cur de la mission des Archives nationales. Il comprend trois sections : archives courantes et intermédiaires, archives définitives et communication des archives publiques.
Les archives publiques sont définies comme « l'ensemble des documents produits ou reçus dans le cadre de l'exercice de leur activité par : l'État, les collectivités publiques locales, les établissements et les entreprises publiques ; les organismes privés chargés de la gestion d'un service public ; les officiers publics. Sont aussi considérées comme publiques les archives privées acquises par les organismes ci-dessus énumérés par voie de don, legs ou achat »
. Ce dernier alinéa, qui "publicise" les archives entrées par voie extraordinaire, est très différent du choix retenu par la loi française.
Inaliénabilité
Les archives publiques font partie du domaine public. Elles sont inaliénables et imprescriptibles. Toute personne privée détentrice d'archives publiques est tenue de les restituer aux Archives nationales (article 4).
Responsabilité et traitement
La loi rend chaque agent responsable des documents qu'il utilise dans le cadre de son activité (article 5) et prévoit la dévolution aux Archives nationales des archives des ministères, établissements ou organismes auxquels il est mis fin (article 6).
La loi prévoit explicitement - il faut sans doute y voir une influence des lois canadienne et surtout québécoise - que les services et organismes producteurs d'archives publiques « sont tenus d'élaborer et de mettre en application un programme de gestion de leurs documents en collaboration avec les Archives nationales »
. Ce qu'il faut entendre par programme de gestion des archives est défini à l'article suivant : « la gestion des documents comprend l'ensemble des procédures, méthodes de travail et opérations qui s'appliquent aux documents depuis leur création jusqu'à leur conservation définitive ou leur élimination. »
(articles 7 et 8). Les articles qui suivent (section I) définissent les archives courantes et intermédiaires et fixent les obligations des producteurs. Les archives définitives sont définies (section 2) comme les documents qui, après tri, sont destinés à la conservation illimitée, tandis qu'est fait obligation aux services des Archives nationales de « procéder au classement et à l'inventaire des archives définitives et d'établir des instruments de recherche permettant de faciliter l'accès des utilisateurs aux dites archives »
, les Archives nationales assurant « la conservation et la préservation des fonds d'archives »
.
Communicabilité des documents
Les règles de communication des documents d'archives publiques sont fixées à la section 3. Le délai de règle est un délai trentenaire, à compter de la date du document (article 15). Des délais plus longs sont prévus dans certains cas : 60 ans pour les documents qui contiennent des informations mettant en cause la vie privée ou intéressant la sécurité nationale (liste fixée par décret), pour les documents de recensements ou d'enquêtes contenant des renseignements individuels ou encore pour les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions. Le délai est de 100 ans pour les minutes et répertoires de notaires, pour l'état civil, pour l'enregistrement, pour les documents contenant des renseignements individuels de caractère médical et les dossiers de personnel (article 16). Il faut souligner les choix simples de cette loi qui ne connaît que trois délais mis à l'accès aux documents : 30, 60 ou 100 ans.
Enfin, sous certaines conditions (ne pas porter atteinte au caractère secret de la vie privée et à la sécurité nationale), l'administration des archives, après avis de l'administration d'origine, peut autoriser l'accès aux documents, à des fins de recherches, avant l'expiration des délais (article 17). Le délai de 30 ans peut être raccourci pour une liste de documents fixée par décret (article 18).
Archives privées : définition et protection
Le chapitre II, consacré aux archives privées, les définit négativement, ainsi que le pratique la loi française, comme celles qui ne sont pas visées par la définition des archives publiques : « Les archives privées sont l'ensemble des documents produits ou reçus, dans le cadre de l'exercice de leur activité, par les personnes physiques ou morales qui ne sont pas visées à l'article 3 de la présente loi »
(article 22). Les Archives nationales disposent du droit de préemption sur tout document d'archives privées (article 26) et toute sortie du territoire doit être notifiée aux Archives nationales (article 27). Les détenteurs d'archives privées peuvent les déposer aux archives nationales ou dans tout autre service ou organisme public « dans le but de favoriser la conservation du patrimoine archivistique national »
(article 28). Pour le reste, la loi met en place un dispositif de classement de certaines archives privées comme "archives historiques" (articles 23 et 24). En cas de vente d'archives classées, les Archives nationales doivent être avisées à l'avance (article 25).
Le chapitre III, relatif aux dispositions pénales, prévoit des amendes pécuniaires contre ceux qui contreviendraient aux dispositifs destinés à protéger les archives privées (article 29) ou ceux qui, détenteurs d'archives publiques, refuseraient de les rendre aux Archives nationales (article 31). Enfin, l'altération volontaire, la falsification ou la destruction de document d'archives publiques voire d'archives privées déposées sont punies pénalement (article 30).
Institutions
Dans le titre II, on retrouve l'organisation des différentes composantes du réseau des archives :
Conseil national des archives, qui a un rôle de définition et d'élaboration de la politique nationale, d'évaluation des réalisations, d'avis, tant sur le tri et le versement ou l'élimination d'archives publiques que sur le classement d'archives privées (chapitre I),
Archives nationales, qui sont un établissement public administratif dont le siège est fixé à Tunis. Ses missions sont la sauvegarde du patrimoine archivistique national (article 36) grâce à différentes attributions dont la liste est donnée à l'article 37 et qui vont de l'assistance technique en matière d'archives aux services producteurs à la promotion du domaine des archives par la recherche scientifique, la formation professionnelle et la coopération internationale, en passant par l'établissement et la publication d'instruments de recherche (chapitre II). Un décret vient compléter la loi pour ce qui est de l'organisation et du fonctionnement des Archives nationales.