Module 3, section 3 : Variété des contextes constitutionnels, géopolitiques et institutionnels : quelques exemples de lois

4.2.2. Eléments notables

Loi sénégalaise

Archives publiques et privées

L’art premier de la loi, après la définition des archives, reconnaît deux sortes - et deux seulement - catégories d’archives.

« art. 1.- (…) Les archives sont soit publiques, soit privées. »

« Les archives publiques font partie du patrimoine de la Nation et sont au service de l’administration et des citoyens », précise l’art. 4

On peut aussi noter, parmi les éléments remarquables de la loi sénégalaise, que «  les documents non écrits et notamment le produit des collectes de tradition et d'histoire orales, pouvant servir à l'histoire nationale, quel qu'en soit le support, sont des archives et doivent être placés dans les dépôts d'archives publiques » (art.7).

Les archives publiques sont définies comme comprenant (art. 3) :

  • d’une part, l’ensemble des documents qui procèdent de l’activité de l’État, des collectivités locales, des établissements publics, des sociétés nationales, des sociétés à participation publique soumises au contrôle de l’État, des organismes privés chargés de la gestion d’un service public ou investis d'une mission de service public et des officiers publics ministériels ;

  • d’autre part, les archives acquises par l’État, les collectivités locales, les sociétés nationales, les sociétés à participation publique soumises au contrôle de l'État, les organismes privés chargés de la gestion d'un service public ou investis d'une mission de service public, sous forme de dons, legs ou achat.

Les archives privées sont définies (art.15) comme «  celles qui procèdent de l’activité des personnes privées physiques ou morales de droit privé, à l’exception des organismes privés chargés de la gestion d’un service public ou investis d'une mission de service public. »

La loi sénégalaise votée en 2006 a pris le parti de déterminer clairement le statut des archives des entreprises privatisées :

« Art.20 : Les archives des entreprise privatisées qui sont antérieures à la privatisation sont et demeurent des archives publiques et doivent par conséquent faire l'objet d'un versement aux Archives nationales. Cependant, pour faciliter la transition, les dossiers des cinq dernières années peuvent être laissés en dépôt dans l'entreprise. A l'expiration de ce délai, ces archives sont versées aux Archives nationales. »

Inaliénabilité

Il convient de noter que la loi sur les archives du Sénégal fait appartenir à la catégorie "archives publiques", avec les conséquences juridiques importantes que sont du fait de l’appartenance à cette catégorie leur caractère alors imprescriptible et inaliénable, les archives d’origine privée entrées dans les collections publiques avec transfert de propriété. La loi française est moins nette sur ce point, dans la mesure où l’entrée dans les collections publiques de fonds ou de documents d’archives d’origine privée, y compris par mode d’acquisition transférant la pleine propriété desdits documents à la collectivité publique, ne garantit pas leur pleine appartenance à la domanialité publique, ces documents pouvant relever du simple domaine privé de la collectivité, et donc, de ce fait, ne pas être protégés par l’imprescriptibilité.

Archives courantes, préarchivage et versement des archives

Pendant la durée d’utilisation courante, durée qui est fixée par décret, les services proucteurs sont responsables de la conservation de leurs archives (art. 10).

L’art. 11 prévoit l’établissement de « dépôts intermédiaires ou de préarchivage gérés ou contrôlés par la direction des archives du Sénégal »  à l’âge intermidiaire. Cet âge intermédiaire est défini dans ce même art. 11 comme la période entre le « moment où les archives cessent d’être d’utilité courante pour l’exercice des activités des ministères, services (…) et le moment où ces archives deviennent communicables au public. »

L’art 5 fait obligation à « tout magistrat ou fonctionnaire, tout représentant, agent ou préposé d’une autorité publique ou de l’un des organismes visés à l’article 2, tout officier public ou ministériel (…), lors de la cessation de ses activités, de transmettre à son successeur l’intégralité des archives dont il est détenteur en raison de ses fonctions ou de les transférer au service d’archives compétent. »

Accès aux documents et archives

La loi d'archives récemment votée au Sénégal - loi n°2006 -19 du 30 juin 2006 - a considérablement fait évoluer les modes d'accès aux documents et archives. En effet le texte de 2006 qui remplace la loi d'archives de 1981 (loi n°81 - 02 du 2 février 1981) a choisi d'intégrer à la loi archives les dispositions propres à la "transparence administrative" ou accès aux documents administratifs. La totalité du chapitre 4, intitulé "Des documents administratifs", y est consacré. Celui-ci définit les documents administratifs (art.21) comme « constitués par l'ensemble des documents produits ou reçus, dans l'exercice de leurs activités, par les autorités administratives, à savoir l'État, les collectivités locales, les établissements publics, les sociétés nationales, les sociétés à participation publique et les organismes privés chargés de la gestion d'un service public ou investis d'une mission de service public ». Il s'agit bien des mêmes "producteurs" que ceux donnés par l'article 3 de la loi définissant les archives publiques, et l'harmoniqation est ainsi assurée au sein du même texte à des dispositifs que d'autres législations nationales ont parfois eu plus de mal à faire cohabiter (transparence administrative/accès aux archives).

Le même chapitre sur les documents administratifs distingue entre documents administratifs nominatifs et non nominatifs, le document nominatif étant défini à l’article 22. Cette disposition permet évidemment de "libérer" l'accès aux documents non nominatifs (art.24), comme est libre, sauf disposition contraire du décret, l'accès aux archives publiques (art.13); ceci se fait tout en protégeant l'individu nommément désigné (art.23) : « Au-delà de la durée nécessaire à la réalisation des finalités pour lesquelles elle les a collectés ou traités, l'Administration n'est autorisée à conserver des documents administratifs nominatifs qu'à des fins statistiques ou de recherches », en lui assurant un "droit à l'oubli" administratif sans retirer à à l'administration des archives la possibilité de conserver cette "information", "à des fins statistiques ou de recherches". C'est un équilibre toujours difficile à atteindre, entre des intérêts individuels et collectifs qui peuvent paraître opposés, mais que la loi sénégalaise se propose d'équilibrer avec soin en créant une "Commission nationale sur l'accès à l'information administrative et sur la protection des renseignements personnels".

Cet objectif est très bien rappelé dans le rapport de présentation du décret n°2006 - 596 du 10 juillet 2006 portant organisation et fonctionnement de la Direction des archives du Sénégal : « Il s'agit aujourd'hui de concilier deux impératifs: protéger la vie privée des citoyens et instaurer une administration sans secret pour les citoyens. »

La loi connaît le système de la dérogation.

Ventes et exportations d’archives privées

Les ventes et exportations d’archives privées doivent être notifiées au directeur général des archives pour les premières (possibilité de préemption), soumises à l’autorisation préalable du directeur général après avis du Conseil supérieur des archives pour les secondes (art.17 et 18).

De plus les archives privées présentant du point de vue de l'histoire un intérêt public peuvent être classées aux Archives nationales (art.19).

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