4.1. Les images positives uniques
Outre leur mode de production, elles ont toutes en commun leur présentation : ce sont des images « enchâssées », c'est-à-dire la plupart du temps recouvertes d’un passe-partout en papier, en carton ou en laiton, protégées par une plaque de verre et serties dans un écrin. En Europe, cet écrin prend souvent la forme d’un cadre noir.
Le principal procédé utilisé a été le daguerréotype, premier en date et qui a connu pendant longtemps un vif succès. D'autres procédés ont été mis en œuvre par la suite successivement ou en concurrence.
4.1.1. Le daguerréotype
En 1829, Nicéphore Niepce s’associe avec Louis-Jacques-Mandé Daguerre. Niepce étant mort en 1833, Daguerre poursuit seul ses recherches et parvient en 1837 à former le premier daguerréotype. En 1839 le brevet d’invention est racheté à Daguerre par l’Etat français et mis à la disposition de tous.
Le daguerréotype est une image positive unique, impressionnée par la lumière sur une plaque de cuivre argenté. La fine couche d’argent polie donne à la plaque l’aspect d’un miroir. L’image est faite de particules très fines d’aspect blanchâtres, qui forment les parties claires de l’image en masquant plus ou moins la couche d’argent. Selon l’angle d’observation, un daguerréotype peut apparaître négatif ou positif. L’image est d’une grande précision.
Le daguerréotype a été très utilisé pour faire des portraits de 1839 à 1860.
4.1.1.1. Les étapes de production
La production d’un daguerréotype fait appel aux mêmes étapes que l’on va retrouver pour tous les procédés photographiques traditionnels :
La préparation du support
Très rapidement, des plaques argentées furent disponibles dans le commerce. La qualité du daguerréotype était étroitement liée à celle du polissage de la plaque. La couche d’argent était rendue photosensible par exposition à des vapeurs d’iode qui entraînait la formation d’iodure d’argent. On essaya d’améliorer le procédé en alternant les vapeurs de brome avec les vapeurs d’iode pour accentuer la sensibilité de la plaque et réduire le temps de pose.
L'exposition à la lumière
La plaque était placée dans l’appareil (chambre obscure) pour être exposée à la lumière pendant un temps de pose qui pouvait varier de quelques minutes à plus d’une heure.
Le développement
C’est le procédé qui permet de faire apparaître l’image. La plaque était exposée à des vapeurs de mercure qui se condensaient aux endroits impressionnés par la lumière et formaient un dépôt blanc, amalgame de mercure et d’argent.
A partir de , on remplaça le mercure par une l’exposition à certaines longueurs d’onde, appelées « rayons continuateurs ».
Le fixage
L’opération consiste à éliminer l’iodure d’argent non insolé. A l’origine on trempait la plaque dans une solution chaude de sel de cuisine (chlorure de sodium) qui fut remplacée par la suite par de l’hyposulfite, plus efficace et encore utilisé de nos jours.
A partir de 1840, on pratiqua aussi le fixage avec une solution de chlorure d’or qui accentuait les contrastes et conférait à l’image une tonalité plus chaude.
On pouvait enfin, si on le souhaitait, procéder au coloriage au moyen de pigments dispersés dans une résine naturelle, de type gomme arabique.
4.1.1.2. Les altérations du daguerréotype
Les dégradations du daguerréotype sont très spécifiques à ce procédé et sont de deux types :
Les attaques chimiques liées aux facteurs externes : pollution, humidité
Les dégradations inhérentes à la structure de la plaque ou à de mauvaises manipulations.
Les dégradations peuvent se traduire par les effets suivants :
Rayures sur l’image et même effacement, liés au moindre frottement
Détachement de la couche d’argent
Oxydation du support en cuivre : tâches vertes
Attaque de l’image par des gouttelettes alcalines provenant de la décomposition de certains verres de protection sous l’effet de l’humidité
Développement de micro-organismes en cas de perte d’hermétisme du montage et de condensation
Ternissure de l’argent, sous l’effet notamment des gaz polluants : un voile coloré apparaît et se développe des bords de l’image vers le centre.
4.1.2. Les autres procédés
D'autres procédés ont été utilisés pour obtenir des images uniques, soit sur d'autres supports, avec par exemple le premier positif sur papier, soit avec d'autres produits de sensibilisation.
Les principaux procédés ont été :
L’ambrotype
Le pannotype
Le ferrotype
4.1.2.1. Le premier positif sur papier
En 1839, Hippolyte Bayard met au point un procédé qui lui permet d'obtenir directement des images positives sur papier. Un papier recouvert de chlorure d'argent est exposé à la lumière dans une chambre noire après sensibilisation préalable dans de l'iodure d'argent. Le temps de pose varie entre trente minutes et deux heures. Cette technique prometteuse n'a pourtant pas eu le succès qu'elle méritait à cette époque à cause de la concurrence du daguerréotype.
4.1.2.2. L'ambrotype
L’ambrotype est un cliché sur verre au collodion. C’est en fait une image négative, mais qui, après un traitement chimique particulier et placée sur un fond noir apparaît en positif.
Le collodion est un produit contenant des chlorures et des iodures, obtenu par dissolution du nitrate de cellulose dans un mélange d'éther et d'alcool.
La technique est la suivante :
Préparation de la plaque de verre : on répand sur toute la surface du collodion, puis on la trempe dans une solution de nitrate d’argent
Exposition : la plaque est mise encore humide, parce que plus sensible, dans l’appareil photographique.
Développement dans un révélateur à l’acide nitrique ou au chlorure de mercure, fixage et lavage. On obtient un négatif aux reflets grisâtres. Eventuellement la plaque est vernie.
Noircissement du fond : soit le verre est enduit au dos d’une laque noire, soit il est placé sur un fonds de velours noir.
Montage dans un cadre fermé comme le daguerréotype.
Les altérations peuvent être les suivantes :
Décomposition du fond noir qui se traduit par l’apparition de taches blanches là où le fond est endommagé
Réticulation du collodion et du vernis : boursouflures qui s’écaillent.
Affaiblissement de l’image par oxydation liée à un carton de mauvaise qualité utilisé pour le montage : apparition d’un voile noir-bleuté, plus particulièrement dans les parties en contact avec le carton.
4.1.2.3. Le pannotype et le ferrotype
Ces deux procédés sont des dérivés de l’ambrotype sur des supports moins fragiles que le verre.
Le pannotype, mis au point en 1853, est obtenu par transfert de la couche de collodion sur du tissu ou de la toile cirée teintés en noir.
Dans le ferrotype, né en 1856, on a remplacé le verre par une plaque de fer noircie enduite de collodion.
Ces procédés rapides et bon marché furent très utilisés pour les portraits par les forains.
Plus tard le collodion fut remplacé par de la gélatine et sous cette forme, le procédé survivra jusque dans les années 1950.
Les altérations des pannotypes et ferrotypes sont les suivantes :
Affaiblissement de l’image
Altérations des supports : durcissement de la toile cirée devenue cassante, rouille de la plaque de fer
Rayure des clichés non protégés par un verre.