4.3. Les tirages positifs en noir et blanc

Les premiers positifs étaient des images uniques, de grande qualité mais nécessitant beaucoup de compétences professionnelles.

Le procédé négatif-positif, issu des recherches de Henry Fox Talbot en 1841, permit la naissance de l'image multiple : à partir d'une seule prise de vue, il devenait possible de créer de nombreux tirages.

Les premiers essais eurent lieu sur papier salé, puis albuminé. Ces procédés artisanaux furent remplacés à partir des années 1880 par des papiers produits à l'échelle industrielle pour aboutir au papier à développement que nous connaissons encore aujourd'hui.

4.3.1. Le papier salé

Les tirages positifs s’obtiennent par noircissement direct en contact avec le négatif selon la procédure suivante :

  • L’exposition : le négatif est mis en contact étroit avec le papier sensible et l’ensemble est exposé longuement au soleil sous les rayons duquel le chlorure d’argent se transforme en argent.

  • Le virage et le fixage : le tirage est trempé dans une solution à base de sels d’or pour obtenir une tonalité plus agréable, puis est fixé dans un bain d’hyposulfite de sodium et lavé à l’eau courante. Ces deux dernières opérations éliminent les sels sensibles afin de rendre l’image stable et moins réactive à la lumière.

L’une des grandes caractéristiques de ces photographies est la fragilité de l’image qui a tendance à disparaître. Cette fragilité est liée aux phénomènes d’oxydation de l’argent, dont les causes peuvent être :

  • La médiocrité du traitement chimique : bain de fixateur usagé, lavage insuffisant

  • La pollution atmosphérique

  • La mauvaise qualité des matériaux en contact : boîtes, carton des albums photographiques.

L’attaque de l’image est d’abord visible dans les parties claires, là où l’argent est présent en faible quantité.

4.3.2. Le papier albuminé

En 1850, Louis-Désiré Blanquart-Evrard présente les premières photographies sur papier albuminé. C’est un papier qui a été trempé dans une solution d’albumine (blanc d’œuf) et de sel, puis sensibilisé dans une solution de nitrate d’argent.

Grâce à l’apparition des négatifs sur verre, de bien meilleure qualité que les négatifs sur papier, le procédé négatif-positif se développe.

Les tirages positifs sur papier albuminé présentent une meilleure définition et un plus grand contraste que les tirages sur papier salé, car l’image n’est plus formée sur les fibres du papier, mais dans la couche d’albumine.

L’image est obtenue, comme sur les papiers salés, par noircissement direct, puis virée et fixée. Le résultat est d’une tonalité chaude, de brun à violet, avec un aspect satiné, parfois très brillant si le papier a été doublement albuminé ou verni.

Ce procédé connut un grand succès pendant la deuxième moitié du XIXe siècle et ne fut supplanté que vers 1895 par les papiers à émulsion de fabrication industrielle.

Les altérations, liées à l’humidité, la chaleur et la pollution, peuvent être les suivantes :

  • Jaunissement de l’albumine dans les parties claires : cette altération, liée à la structure chimique de l’albumine, est la plus fréquente ; elle est accélérée surtout par l’humidité, mais aussi par la lumière.

  • Craquelures provoquées par les différences de comportement entre le papier, qui se dilate en cas d’humidité, et l’albumine qui ne suit pas ce mouvement. Lorsque la photographie est contrecollée sur un carton, le phénomène est encore plus important, car elle ne peut s’enrouler sur elle-même pour compenser les tensions.

  • Disparition et décoloration de l’image : c’est le même phénomène que sur les papiers salés, moins accentué.

  • Taches et piqures liées à des attaques chimiques provenant de la pollution ou des matériaux annexes : carton contrecollé, passe-partout, album ou boîte.

4.3.3. Les positifs de l'ère industrielle

La mise au point du procédé négatif au gélatino-bromure rend la prise de vue plus accessible à un large public de non-spécialistes, point de départ du développement industriel de la photographie vers 1880. Les industriels orientent désormais leurs recherches vers le complément indispensable : des procédés de tirages plus faciles sur une nouvelle gamme de papiers positifs.

Les premiers de ces papiers sont fabriqués en Allemagne à laquelle ils doivent leur nom : aristotypes. Produits de façon industrielle, ils doivent leur grand succès entre 1890 et 1930 à leur facilité d’emploi, à leur sensibilité à la lumière, à leur plus grande permanence et à leurs qualités esthétiques. Bien qu’ils utilisent encore les procédés à noircissement direct, ils préfigurent les papiers photographiques modernes.

En 1900, on rencontre principalement deux types :

  • Les aristotypes au collodion (papier celloïdine)

  • Les aristotypes à la gélatine (papier citrate)

4.3.3.1. L'aristotype au collodion

C’est un papier recouvert de deux couches :

  • Une couche de sulfate de baryum (pigment blanc) en suspension dans de la gélatine. Ce barytage permet, par rapport aux papiers salés ou albuminés, une plus grande adhésion de l’émulsion photosensible sur le support et donne au papier une surface lisse sur laquelle le rendu des détails est meilleur. On peut aussi par ce procédé obtenir des papiers d’aspect mat ou brillant ou encore des papiers colorés (mauve, rose, lilas).

  • Une couche photosensible au collodion-chlorure d’argent.

Sa fabrication très rapidement mécanisée permet une production à grande échelle sous la forme de rouleaux qui sont ensuite découpés au format des négatifs. Ces formats sont restés usuels pour les tirages jusqu’à aujourd’hui (6,5 x 9, 9 x 12, 13 x 18, 18 x 24, 24 x 30 cm). Ce papier restait utilisable pendant plusieurs mois, ce qui représentait un grand progrès par rapport aux papiers salés et albuminés.

Le tirage se fait par exposition du papier à la lumière du soleil sous le négatif, puis l’image qui s’est formée progressivement est passée dans un ou plusieurs bains de virage et de fixage.

A partir de 1914, les aristotypes au collodion vont progressivement laisser la place aux papiers « gaslight » et aux papiers à développement.

4.3.3.2. L'aristotype à la gélatine

Mis au point vers 1881 et fabriqué d'abord en Allemagne dès 1885, c'est un papier de même type que l'aristotype au collodion, mais où ce dernier a été remplacé par une émulsion sensible au gélatino-bromure.

4.3.3.3. Les altérations des aristotypes

Malgré une stabilité accrue par rapport aux papiers salés et albuminés, les aristotypes peuvent connaître deux types de dégradation :

  • Le décollement de la couche image : les papiers au collodion sont particulièrement fragiles.

  • Affaiblissement et taches liés à l’oxydation de l’argent. Un bain de fixage trop usagé provoque des taches vert-jaune dans les parties claires. Une mauvaise élimination du fixateur au lavage déclenche, sous l’effet de l’humidité, un phénomène de sulfuration qui colore en jaune les parties sombres de la photographie.

  • Miroir d’argent

4.3.4. Le papier à développement

Jusqu’en 1895, les tirages se font essentiellement par noircissement direct, bien que ce procédé exige un temps d’exposition très long. Les seuls cas où le développement est utilisé sont les portraits agrandis à partir de négatifs de petite taille, dits « cartes de visite ». Ces agrandissements retouchés au fusain ou à la peinture sont appelés « crayon-portraits ».

La mise au point de tireuses automatiques nécessite l’adoption du procédé à développement pour obtenir un grand nombre de tirages en un temps minimal.

Le papier à développement est un papier très photosensible qui, après une brève exposition à la lumière, soit en contact direct avec le négatif, soit sous un agrandisseur, est développé dans un bain de révélateur qui fait apparaître l’image.

Vers 1890, il existe deux types de papier à développement :

  • Le papier au gélatino-bromure d’argent, toujours en usage aujourd’hui

  • Le papier au gélatino-chlorure ou chloro-bromure d’argent, appelé « papier gaslight », car l’exposition peut se faire à la lumière artificielle de lampes à gaz.

Par la suite, la miniaturisation des négatifs oblige à utiliser du papier au gélatino-bromure d’argent, seul papier adapté aux agrandissements.

Les clichés tirés sur papiers à développement sont plus stables que ceux obtenus par noircissement direct, car le développement provoque des amas de filaments d’argent plus volumineux que les particules d’autrefois. Néanmoins, il peut y avoir deux sortes d’altérations :

  • Taches jaunes résultant de la dégradation de l’argent sous l’effet de produits résiduels des traitements ou des gaz polluants.

  • Craquelures de la couche image provoquées par des variations brutales de l’humidité et de la température.

  • Miroir d’argent, c'est-à-dire un voile métallique bleuté sur les parties sombres, visible en lumière diffuse et provoquée par une migration des particules d’argent vers la surface. La principale cause est l’humidité ambiante.

La dernière évolution du papier à développement se produit dans les années 1970 qui voient l’apparition des papiers plastifiés : le support baryté est remplacé par une feuille de papier doublée sur ses deux faces d’une feuille de polyéthylène. Ces papiers permettent un lavage et un séchage plus courts.

Les papiers plastifiés ont la réputation de se conserver moins bien que les papiers barytés. Il est particulièrement important de conserver ces clichés en surveillant de près la température et l’humidité, mais surtout il faut à tous prix éviter ou limiter l’exposition à la lumière qui peut provoquer des craquelures suite à des réactions photochimiques du polyéthylène. L’utilisation d’antioxydants dans la fabrication des papiers plastifiés récents permet de pallier cet inconvénient.

4.3.5. Les procédés non argentiques

Pour les papiers de tirage, plusieurs procédés de photosensibilisation sans argent ont aussi été utilisés au XIXe siècle.

  • Le cyanotype : mis au point en 1842, il s’agit d’un papier qui utilise la photosensibilité des sels de fer. Peu coûteux, il fut très utilisé vers 1880 pour le tirage des photographies, des plans et des dessins industriels. L’image a une coloration bleue. Les principales altérations sont liées à la mauvaise qualité du papier utilisé qui, trop acide, devient cassant.

  • Le platinotype : ce procédé au platine, bien que coûteux, fut très utilisé des années 1880 à 1914, notamment pour l’illustration des livres et revues. Il permet des nuances subtiles de gris et sa permanence est excellente grâce à l’inaltérabilité du platine. Il nécessite l’utilisation d’acides pour le développement et le fixage, ce qui peut entraîner, en cas de lavage imparfait, une dégradation accélérée du support papier, souvent lui-même déjà acide. De plus, le platine est un catalyseur chimique qui favorise la dégradation de la cellulose, entraînant l’altération la plus caractéristique de ce procédé : le transfert des parties sombres de l’image sur une autre feuille de papier en contact.

  • Les procédés pigmentaires : la gélatine et la gomme bichromatées. Ces procédés utilisent les propriétés de la gélatine et de la gomme arabique qui, traitées avec des sels de bichromate photosensibles, deviennent insolubles après exposition à la lumière. En ajoutant des pigments, on obtint en 1855 le premier procédé pigmentaire : seules les parties exposées à la lumière restent après lavage en emprisonnant les pigments, formant ainsi une image en relief sur le papier. Les deux procédés les plus fréquents, utilisés jusqu’en 1930, ont été :

    • Le procédé au charbon à base de gélatine bichromatée et de noir de carbone, qui existent en plusieurs teintes, la plus fréquente étant le « rouge chocolat ».

    • Le procédé à la gomme arabique bichromatée mélangée à des couleurs pour aquarelle.

Ces tirages sont parmi les plus stables qui existent, notamment ceux au noir de charbon. Les autres pigments peuvent parfois pâlir après une exposition prolongée à la lumière. La gélatine et la gomme arabique peuvent être attaquées par des micro-organismes.