4.2. Les négatifs

Parallèlement à la production d’images positives uniques vont se développer d’autres techniques passant par la création d’un négatif. Peu utilisées au début, ces techniques vont connaître un succès croissant, car elles offrent la possibilité de produire en nombre des tirages positifs à partir d’une seule prise de vue.

Les premiers essais se firent sur papier (calotype), puis sur verre. La production de négatifs gélatino-argentiques fut par la suite déterminante pour l’évolution de la photographie.

4.2.1. Le calotype

L’Anglais Henry Fox Talbot est le premier à mettre au point un procédé négatif-positif en 1841, après de longues recherches sur la photosensibilité du chlorure d’argent. Le négatif et le positif s’obtiennent sur papier salé : le papier est sensibilisé par trempages successifs dans une solution d’eau salée, puis dans une solution de nitrate d’argent.

La fabrication du négatif, appelé « calotype » se fait de la façon suivante :

  • Exposition courte du papier salé dans l’appareil photographique : une image invisible à l’œil nu se forme.

  • Développement dans une solution appelée révélateur qui fait apparaître l’image négative.

A partir de ce négatif, on peut désormais obtenir autant de tirages positifs que l’on veut par noircissement direct.

Pour améliorer la transparence on prit l’habitude de cirer ou de huiler le papier.

Les calotypes sont rares et souvent en mauvais état. Les principales altérations sont :

  • les marques de pliures

  • les taches jaune-marron et la perte de contraste liés aux produits résiduels des traitements chimiques

  • les taches noires résultant d’un transfert du nitrate d’argent lors de tirages sur un papier salé pas totalement sec.

4.2.2. Les négatifs sur verre

Malgré sa fragilité, le verre reste un support longtemps utilisé pour la fabrication de négatifs.

Deux produits ont été employés pour fabriquer la couche photosensible :

  • l’albumine

  • le collodion, humide ou sec

4.2.2.1. Les négatifs à l'albumine

Ce procédé, appelé niepcéotypie ou nieçotypie, a été utilisé de 1847 à 1860.

Les étapes de production sont les suivantes :

  • préparation de la plaque de verre recouverte d’un mélange d’albumine contenant de l’iodure et du bromure de potassium.

  • Séchage de la plaque

  • Sensibilisation dans une solution d’acide acétique et de nitrate d’argent

  • Exposition longue

  • Développement par applications successives d une solution d’acide gallique et d’une solution de nitrate d’argent.

  • Fixage et lavage

Ces négatifs sont difficiles à distinguer des clichés verre au collodion et on connaît mal leur vieillissement.

4.2.2.2. Les négatifs au collodion

Deux techniques ont été parallèlement utilisées :

  • le collodion humide, de 1851 à 1885

  • le collodion sec, de 1855 à 1885

Le procédé au collodion humide permet, en raison de sa grande sensibilité, de réduire considérablement le temps de pose, mais il faut développer la plaque immédiatement après l’exposition, avant que le collodion ne sèche. Il était donc surtout adapté au travail en studio et fut employé jusqu’en 1900 en raison de son coût modique et de sa rapidité d’emploi.

La production suivant les étapes suivantes :

  • Recouvrement de la plaque de vers nettoyée avec un couche de collodion i oduré et bromuré

  • Sensibilisation au nitrate d’argent

  • Exposition

  • Développement

  • Fixage à l’hyposulfite ou au cyanure et lavage

  • Vernissage et retouche

De nombreuses formules ont eu pour but principal de permettre, avec un même rendu, une utilisation moins contraignante dans le temps grâce à l’introduction de substances maintenant une certaine humidité à l’intérieur du collodion. C'est ce qu'on appelle le procédé au collodion sec.

Parmi ces procédés, il en est un qui préfigure les procédés industriels : en 1867, une firme anglaise commercialise des plaques recouvertes en une seule opération d’une émulsion de collodion et de sels sensibles.

Les négatifs au collodion sont abondants dans les collections photographiques. En lumière réfléchie, ils présentent une tonalité de couleur crème qui permet de les différencier de procédés au gélatino-bromure d’argent. Mais selon les traitements chimiques subis par le cliché, cette teinte peut aller jusqu’au brun-noir.

Les altérations peuvent être :

  • Brisures et fêlures du verre

  • Rayures de la couche de collodion

  • Réticulation et boursouflures en cas de mauvaise préparation de la plaque

  • Jaunissement de certains vernis

4.2.3. Les négatifs gélatino-argentiques

La gélatine, utilisée dès 1839, sur les papiers salés par Talbot, devint un composant indispensable à la photographie à partir des années 1880.

La première émulsion au gélatino-bromure d’argent fut préparée par Richard Leach Maddox en 1871.

4.2.3.1. Les négatifs sur plaque de verre (1878-1940)

En 1878, Benett parvient à augmenter considérablement la sensibilité de la plaque en chauffant l’émulsion pendant quelques heures. Dès lors, le procédé se répand rapidement et tend à supplanter tous les autres, d’autant qu’il est possible de conserver longtemps les plaques préparées avant leur utilisation.

Plusieurs sociétés, qui subsistent encore aujourd’hui, fabriquent et diffusent dans le monde entier des plaques prêtes à l’emploi : les Etablissement Lumière (France), Agfa (Allemagne), Eastman (Etats-Unis d’Amérique), Ilford (Grande-Bretagne).

4.2.3.2. Les négatifs sur support souple

Les premiers essais de négatifs sur support souple furent tentés par Eastman (Kodak) dès 1884 : on revint d’abord au négatif papier, puis le procédé évolua vers un transfert de la couche sensible sur plaque de verre.

1889 vit l’apparition d’une nouvelle matière synthétique, le nitrate de cellulose, qui permit à Kodak de fabriquer des supports transparents et flexibles semblables aux pellicules que nous connaissons encore aujourd’hui.

Utilisé jusqu’en 1951 pour les photographies et les films, le nitrate de cellulose est finalement interdit parce qu’il est hautement inflammable.

Entre 1914 et les années 1950, la chimie des matières plastiques se développe et fournit à la photographie toute une gamme de supports pour les négatifs. Les plus utilisés furent le diacétate de cellulose (1923), le triacétate de cellulose (1948), ainsi que le polyester (1955), ces deux derniers matériaux étant encore utilisés.

4.2.3.3. Les altérations des négatifs au gélatino-bromure

Les altérations des négatifs gélatino-bromure peuvent être :

  • Brisures et fêlures de la plaque de verre

  • Décollement de couche image, lié aux variations hygrométriques entraînant dilatation et contraction de la gélatine.

  • Décomposition du support

    • particulièrement spectaculaire pour le nitrate de cellulose, elle débute par une coloration du support, se poursuit par une altération de l’émulsion photosensible (poisseuse en milieu humide, cassante en milieu sec), la fragilisation du support et le dégagement de vapeurs acides (acide nitrique) ; à ce stade, les documents conservés aux alentours sont en danger, tant à cause des vapeurs acides que des risques d’incendie ; enfin, les négatifs finissent par être collés entre eux et contre les enveloppes qui les contiennent, l’image est perdue : au dernier stade, il ne reste qu’une poudre brunâtre.

    • Le diacétate et le triacétate de cellulose se rétractent et sont sujets à ce qu’on appelle le syndrome du vinaigre en raison de l’odeur d’acide acétique qu’ils dégagent, tandis que l’image se plisse.

  • Développement de micro-organismes se nourrissant de la gélatine et détruisant l’image dans un milieu humide.

  • Dégradation de l’image, parfois sous la forme de taches, plus souvent sous la forme d’un miroir d’argent, appelé « voile dichroïque » provoqué par les cartons de conditionnement. Certains traitements chimiques destinés à renforcer les contrastes après la prise de vue peuvent aussi entraîner une coloration jaune ou blanchâtre.