1.6. Les facteurs humains

Les facteurs humains ne sont pas négligeables dans la dégradation des documents.
Le rangement et le conditionnement, la manipulation et l'utilisation des documents peuvent être à l'origine de dommages importants, surtout d'ordre mécanique.
Il ne faut pas banaliser ce type de dommages, d'autant qu'ils sont souvent beaucoup plus faciles à éviter, par des mesures simples et peu coûteuses, que ceux provoqués par les conditions climatiques, par exemple
1.6.1. Les dommages mécaniques
Les dommages mécaniques peuvent être dus :
à de mauvaises conditions de rangement et de conditionnement
à des erreurs de manipulations
1.6.1.1. Les volumes reliés
Les volumes reliés — livres et registres — mal entreposés peuvent subir des déformations qui affectent essentiellement la reliure. Une fois celle-ci détériorée, les pages, beaucoup plus vulnérables sans leur protection, s'abîment à leur tour. Il est souvent impossible de restaurer des volumes déformés sans démonter totalement la reliure.
Plus le volume est grand, épais et lourd — c'est très souvent le cas des registres — et plus la reliure est souple — soit d'origine, soit à cause d'altérations diverses—, plus les risques sont importants.
La déformation peut affecter soit le dos du volume, soit son corps.
La déformation du dos, qui, de convexe ou plat devient concave, entraîne la celle de la tranche de gouttière qui, de ce fait, n'est plus protégée par la reliure. Les forces exercées alors sur les charnières peuvent entraîner la dissociation complète du corps et de la reliure.
Les déformations du corps se rencontrent surtout sur des volumes très souples ou peu épais de très grande dimension. Elles sont typiques des volumes manquant d'appui latéral sur une étagère en partie vide ou mal calés par des serre-livres inadaptés par exemple.
Un volume très souple et lourd, placé entre des volumes plus stables, peut glisser derrière ses voisins ; la partie qui se trouve alors sans soutien latéral se déforme rapidement. C'est souvent le cas sur des rayonnages mobiles à la suite d'un maniement peu précautionneux.
Un volume appuyé obliquement subit aussi une déformation qui impose une forte tension à ses charnières et à sa couverture.
1.6.1.2. Les brochures et feuilles isolées
Les brochures et les cahiers isolés sont particulièrement fragiles et exposés aux déformations, plis et déchirures. La plupart des brochures ne supportent pas le rangement vertical que ce soit sur une étagère

ou dans une boîte, surtout si cette dernière n'est pas entièrement remplie.
Les documents sous forme de feuilles isolées de format A4 (France) ou de format 8½ x 11Québec) qui forment la majorité des archives, sont souvent entassés dans des boîtes sans protection particulière.
Si la boîte est rangée verticalement et n'est pas entièrement remplie, les feuilles se déforment comme les brochures ci-dessus.
A contrario, les boîtes excessivement remplies sont aussi une cause de dommages mécaniques, car les utilisateurs vont avoir tendance à forcer pour remettre en place les documents, ce qui peut occasionner plis et déchirures.
L'utilisation de ficelles ou d'élastiques pour maintenir les documents en liasses occasionne des coupures dans le papier. Par ailleurs, les élastiques se dessèchent et collent sur les documents lorsqu'ils sont en contact direct avec eux.
1.6.1.3. Les documents de grand format
Les documents de grand format sont naturellement plus menacés que les autres. Le risque de dommages mécaniques augmente avec le format du document et avec la fragilité, originelle ou acquise, de son papier.
Parmi les documents les plus menacés on trouve les dessins techniques et d'architecture, les cartes et les plans, les affiches.
Le mode de conservation à plat est nettement préférable à tout autre, mais même ainsi, c'est au cours des manipulations pour les extraire ou les remettre en place que ces documents risquent d'être endommagés.
La conservation en rouleaux présente des inconvénients multiples :
Sans un support rouleau de carton ou noyau de bois, les rouleaux s'écrasent facilement et la feuille est marquée de plis réguliers, souvent indélébiles. Les extrémités du rouleau et le côté de la feuille qui reste à l'extérieur sont particulièrement exposés aux plis et déchirures. L'utilisation fréquente de ficelles ou d'élastiques augmente encore les risques.
D'une manière générale, la conservation en rouleaux entraîne une déformation des feuilles : elles se stabilisent dans cette forme, perdent leur souplesse et il devient difficile de les remettre à plat. En cas de forte altération du papier, la feuille peut présenter des brisures ou déchirures régulières correspondant à la moitié de la circonférence du rouleau ; plus le diamètre du rouleau est réduit, plus ces dommages sont graves.
1.6.1.4. Les risques de frottements
Certains documents craignent les frottements. Une partie des encres anciennes peut craindre les abrasions causées par le contact direct avec d'autres documents ; de nombreuses techniques artistiques sont sensibles à ce danger, en particulier les œuvres tracées au crayon, à la sanguine ou avec des pastels.
Les frottements entre les reliures peuvent entraîner des abrasions et la formation de déchirures sur des cuirs délicats. Il faut notamment être particulièrement vigilant aux dégâts que peuvent infliger à d'autres volumes des reliures munies de coins ou de fermoirs en métal sans protection.
Ces frottements peuvent être dus aux manipulations pour extraire ou remettre un volume sur l'étagère ou aux vibrations engendrées par le mouvement d'étagères mobiles.
1.6.2. Les dommages chimiques
La mauvaise qualité de papiers et de cartons utilisés pour conditionner les documents peut être à l'origine de dommages chimiques. En effet, les produits de l'altération chimique de ces matériaux peuvent migrer vers les papiers avec lesquels ils sont en contact et accélérer les processus de dégradation et de vieillissement naturels.
En effet, les produits de l'altération chimique de ces matériaux peuvent migrer vers les papiers avec lesquels ils sont en contact et accélérer les processus de dégradation et de vieillissement naturels.
En effet, les produits de l'altération chimique de ces matériaux peuvent migrer vers les papiers avec lesquels ils sont en contact et accélérer les processus de dégradation et de vieillissement naturels.
En général, tout le matériel de bureau ordinaire devrait être proscrit pour la conservation à long terme.
Un phénomène similaire peut se produire lorsque des documents ayant des natures chimiques différentes sont mis en contact, par exemple,des papiers pur chiffon avec des papiers de type industriel essentiellement fabriqués à base de bois.
Les passe-partout et les fonds destinés à protéger les gravures les dessins, les photographies peuvent avoir une influence néfaste si le matériau dont ils sont faits contient des impuretés du bois ou présente un caractère acide.
Les agrafes, trombones, épingles, attaches parisiennes métalliques qui se trouvent fréquemment dans les documents d'archives au moment de leur versement sont aussi des facteurs de risques et peuvent causer des dommages aussi bien mécaniques que chimiques par suite de leur oxydation.
qui se trouvent fréquemment dans les documents d'archives au moment de leur versement sont aussi des facteurs de risques et peuvent causer des dommages aussi bien mécaniques que chimiques par suite de leur oxydation.
qui se trouvent fréquemment dans les documents d'archives au moment de leur versement sont aussi des facteurs de risques et peuvent causer des dommages aussi bien mécaniques que chimiques par suite de leur oxydation.
Ces éléments, lorsqu'ils sont déclarés inoxydables par les fournisseurs, peuvent être un peu moins dangereux en pays tempéré, mais il faut bien noter qu'en climat tropical humide et équatorial, aucun n'est inoxydable.
1.6.3. Les dommages dus aux autocollants
Les pièces collées sur les documents — étiquettes de cotation sur des registres par exemple —peuvent occasionner des dommages locaux par l'action néfaste de la colle et du papier utilisé.
Les dommages dus à la colle peuvent être
peuvent être
directs : une colle chimiquement instable réagit avec le matériau sur lequel elle est appliquée et entraîne une altération locale.
indirects : il peut être nécessaire de décoller les éléments collés, remplacer par exemple une étiquette parce qu'elle est abîmée ou parce qu'il y a eu changement de cotation ; cette opération peut s'avérer très difficile et endommager le document.
Les autocollants sont utilisés dans les services d'archives pour l' étiquetage ou pour des réparations rapides de feuilles ou de livres endommagés.
Afin d'être bien conscient des dommages qu'ils peuvent causer, il est utile de comprendre la structure et le mode d'action d'un autocollant. Un autocollant est formé par quatre couches. La couche de colle est l'élément qui pose le plus de problèmes.
Complément : La structure d'un autocollant
Un autocollant est formé de quatre couches :
une couche de papier ou de matière plastique
une couche de colle
une couche anti-adhérente qui empêche que l'autocollant colle sur lui-même
une couche de "primer" qui garantit l'adhésion de la colle au support de l'autocollant.
Macrophotographie d'un rouleau de ruban autocollant. La colle a migré dupuis la surface de l'autocollant vers les bords. De même, la colle migre dans le papier sur lequel l'adhésif a été apposé. A terme, l'autocollant cesse d'adhérer et il ne reste que la colle,souvent oxidée et de couleur brunâtre dans le papier du document. Cliché A. Giovannini.
Pour maintenir son pouvoir "autocollant", la colle ne doit ni sécher ni durcir. Assez liquide, elle ne se stabilise pas : elle peut migrer dans le support sur lequel l'autocollant a été apposé et réagir avec celui-ci. Il en résulte, à plus ou moins long terme, que la pellicule de papier ou de plastique de l'autocollant se détache, ne laissant sur le support que la colle. Celle-ci réagit avec le support en formant des produits, souvent de couleur jaunâtre ou brunâtre, qui peuvent être stables, très difficilement solubles et qui posent des problèmes complexes pour la restauration. Il n'est pas rare aussi que l'encre parte avec la pellicule de papier qui se détache, auquel cas il y a perte du texte.
Pour des usages à moyen et à long terme, les autocollants sont toujours inefficaces et dangereux.
Certains "autocollants pour archives", proposés pour l'étiquetage ou la réparation, utilisent des papiers de bonne qualité et des colles chimiquement plus stables. Malgré toutes les allégations des fournisseurs, ces autocollants ne sont guère plus recommandables, car il n'est pas possible de prévoir à moyen ou long terme les réactions de la colle avec le support.
Les "autocollants temporaires", par exemple les étiquettes "Post-it", représentent, eux aussi, un certain danger. En effet quand on détache l'étiquette provisoire, des traces de colle restent liées au papier et leur nocivité à moyen ou à long terme est probable.
Enfin, l'utilisation de films en plastique transparent pour doubler entièrement la couverture de documents brochés, pratique fréquente dans les bibliothèques de lecture publique, doit être exclue pour la conservation à long terme.
1.6.4. Les dommages dus aux photocopies
La photocopie peut causer des dommages de types mécanique et chimique.
Elle provoque principalement des dommages mécaniques, particulièrement pour les documents reliés : en effet la personne qui fait la photocopie est bien souvent obligée de casser la reliure du volume ouvert à plat en appuyant fortement sur le dos pour obtenir une copie satisfaisante. Il existe sur le marché quelques modèles de photocopieurs spéciaux pour bibliothèques munis d'une vitre d'exposition à pan coupé, mais ils sont coûteux.
Les dommages mécaniques peuvent aussi être provoqués par les multiples manipulations nécessaires à la photocopie, notamment lorsqu'il s'agit de documents de grande taille.
Les autres effets néfastes de la photocopie n'ont pas fait l'objet d'études scientifiques précises, mais certains dangers sont souvent évoqués :
La décharge lumineuse produite par la photocopieuse est très intense et peut contribuer à la dégradation du papier et à l'affaiblissement de certaines encres et couleurs sensibles, surtout si le document est photocopié à plusieurs reprises. produite par la photocopieuse est très intense et peut contribuer à la dégradation du papier et à l'affaiblissement de certaines encres et couleurs sensibles, surtout si le document est photocopié à plusieurs reprises.
produite par la photocopieuse est très intense et peut contribuer à la dégradation du papier et à l'affaiblissement de certaines encres et couleurs sensibles, surtout si le document est photocopié à plusieurs reprises. En cas de photocopies multiples d'un même original, la vitre du photocopieur devient de plus en plus chaude : cette chaleur est néfaste au document.
Les forts courants électrostatiques dans certains photocopieurs produisent un dégagement d'ozone ; si l'aération est insuffisante, l'atmosphère ainsi polluée accélère le vieillissement des documents se trouvant dans cet environnement. Elle peut également être nuisible pour les personnes, en cas d'utilisation intensive de ces appareils.
1.6.5. Les dommages dus aux réparations «bricolées» et aux restaurations non conservatives
Face à un document endommagé, la tentation d'exécuter rapidement une réparation avec les "moyens du bord" est forte. Les réparations "bricolées" et les restaurations non conservatives causent souvent des dommages qui n'apparaissent qu'à moyen ou à long terme et sont très difficiles, parfois même impossibles à corriger.
L'usage d'autocollants ou de colles "ordinaires" vendus dans le commerce cause souvent à terme davantage de dégâts qu'une absence d'intervention. Même les autocollants vendus par des fournisseurs spécialisés dans les matériaux de conservation doivent être regardés avec méfiance.
Une restauration peut devenir destructive de diverses façons :
D'une part, beaucoup de restaurations ont eu pour conséquence la perte définitive de matières originales ou d'informations contenues dans le document , par exemple :
la perte ou la modification d'une reliure ou de ses parties
le rognage des feuilles
un nettoyage des marges qui peut effacer des mentions marginales devenues visibles seulement par fluorescence UV à la lampe de Wood
l'absence d'un rapport détaillé sur les caractéristiques du document
D'autre part, les méthodes utilisées pour la restauration peuvent être nuisibles à la conservation, par exemple :
Dans le passé, beaucoup de restaurations ont été excessives et ont entraîné une modification du document bien au-delà du strict nécessaire.
Certains traitements, bien qu'efficaces à court terme, peuvent être nocifs à long terme. Les dommages dus aux lavages et blanchiments "au juger" du papier, les applications de vernis et couches protectrices, les réparations avec des papiers et des colles inadéquates, les traitements des cuirs avec des produits inadéquats, etc. posent des problèmes de restauration plus grands que si le document n'avait pas été traité.
Certaines méthodes de restauration, bien que correctes, ne sont pas adaptées, de par leur nature ou leur mode d'application, aux caractéristiques du document. Par exemple, le traitement aqueux d'un papier acide peut provoquer un affaiblissement des encres.
Toute réparation, toute restauration doit être effectuée par un spécialiste compétent, après un diagnostic précis et selon un protocole décrit dans une fiche détaillée d'intervention.
1.6.6. Les dommages dus aux manipulations
Le geste d'extraire un document d'une étagère ou de le ranger peut être source de dommages, s'il est exécuté avec maladresse et sans précaution :
En attrapant un volume relié par la coiffe, qui est une des parties les plus fragiles de la reliure, on peut la déchirer.
En forçant un volume à entrer dans une place trop étroite, on peut plier ou déchirer les pages extérieures
En cherchant à créer une place suffisante pour le volume que l' on désire ranger, on peut faire glisser et déformer d'autres volumes
Pendant le transport des documents à l'intérieur du service, il est aussi possible de causer des dommages.
Par exemple, dans un chariot où les documents sont entassés pêle-mêle :
les documents les plus fragiles peuvent être écrasés par des registres lourds posés au-dessus
certains peuvent tomber à terre
d'autres, qui dépassent, peuvent heurter les murs.
Certains types de documents sont particulièrement sensibles aux pressions et aux chocs : c'est le cas par exemple de tous les types de sceaux.
1.6.7. Les dommages dus à l'utilisation
Les dégâts dus à la manipulation ou à l'utilisation sont souvent causés par les lecteurs. Les dommages peuvent être de type physique ou chimique.
Il peuvent être causés, par exemple :
par des manipulations maladroites et des habitudes néfastes
On peut endommager les documents reliés — particulièrement les reliures anciennes qui s'ouvrent difficilement —, les parchemins, les plans roulés en forçant leur ouverture ou en les déroulant.
Le papier peut être altéré par le contact avec des objets durs ou épais utilisés comme signets, par une manipulation peu soigneuse des pages et feuillets.
L'utilisation des documents comme sous-main pour écrire laisse fréquemment des traces en creux dans le papier et peut entraîner la cassure de papiers très fragiles.
Les documents de grand format sont facilement endommagés si on ne les manipule pas des deux mains et avec soin.
Les documents scellés sont particulièrement fragiles : le simple choc d'un sceau sur une table de travail non recouverte d'une matière souple — feutre, par exemple — peut briser ou provoquer le détachement de fragments des sceaux en cire.
Par l'utilisation de matériel dangereux ou nocifs :
Il est rare que des lecteurs écrivent sur les documents, mais l'utilisation d'encre pour la prise de notes, que ce soit en flacon, avec un stylo à bille ou avec un stylo à encre, est un risque non négligeable de tache sur les documents, soit par éclaboussure, soit par geste brusque. C'est pourquoi de plus en plus de services exigent l'utilisation exclusive de crayons à papier.
L'utilisation de signets autocollants de type "post-it" laisse souvent des reliquats de colle invisibles ; si ces signets sont oubliés entre les pages, ils peuvent devenir nuisibles à moyen terme pour le papier ou pour le texte.
Par des actes de vandalisme et des vols :
La mutilation, par découpage avec une lame de rasoir ou par déchirement d'une page est toujours à craindre.
Par la simple manipulation à mains nues et l'apport de substances organiques :
La manipulation des documents avec des mains sales ou moites apporte localement de l'humidité, des graisses et d'autres réactifs chimiques qui peuvent altérer support et écritures manuscrites. De plus, le frottement des doigts sur des encres et des pigments de documents non imprimés provoque des altérations aussi bien physiques que chimiques.
La manipulation directe à mains nues de tous les supports photographiques cause le plus souvent des dommages irréversibles. Cette observation est valable également pour les bulles en plomb qui scellent certains documents. C'est pourquoi dans certains services d'archives, des gants sont fournis aux lecteurs.
L'habitude d'humecter les doigts sur les lèvres avant de tourner les pages a des conséquences négatives pour la conservation : par ce geste on apporte de l'humidité, des protéines et des sucres de la salive et on fixe sur la page la saleté qui se trouvait sur les doigt.
Le simple fait de parler au-dessus d'un document équivaut à l'arroser de micro-gouttelettes de salive qui sont nocives pour la conservation.