4. Le choix du traitement
Après le diagnostic, le choix du traitement doit se faire selon des critères précis et certaines règles qui font partie de la déontologie du restaurateur.
Par ailleurs, le traitement envisagé doit aussi tenir compte des critères et des besoins de l'archiviste.
Ce choix est donc le résultat d'un dialogue et d'une étroite collaboration entre l'archiviste et le restaurateur.
4.1. Règles déontologiques fondamentales
Le choix du traitement doit respecter des règles fondamentales qui font partie des principes déontologiques de la restauration:
Le traitement doit être aussi limité que possible car toute intervention comporte un risque de perte d'information. En même temps, le restaurateur doit intervenir de façon suffisante pour permettre la conservation du document à long terme. Il doit donc concilier au mieux ces deux impératifs souvent divergents. L'usage futur du document joue aussi un rôle dans cette décision et c'est là que le dialogue entre l'archiviste et le restaurateur s'avère essentiel : il peut s'agir de remettre en consultation le document et dans ce cas, l'intervention sera plus ou moins lourde selon que c'est un document appelé à être souvent ou rarement communiqué ; il peut aussi s'agir d'une simple consolidation permettant une manipulation par des mains expertes pour le microfilmage ou la numérisation, sachant qu'ensuite le document original rejoindra sa boîte et n'en sera extrait que de façon exceptionnelle —consultation très rare de l'original, accompagnée ou sous haute surveillance, exposition temporaire dans une vitrine, etc.
Il faut savoir que les techniques contemporaines de restauration permettent de plus en plus des interventions légères, très localisées, qui n'obligent pas, par exemple, à démonter la reliure d'un registre et qui peuvent être suffisantes.
Le traitement doit être spécifique au document, à la nature et aux causes de la dégradation. Il n'existe pas de recette universellement applicable.
Le traitement doit être compatible avec tous les matériaux composant le document, y compris ceux qui ne sont pas impliqués directement dans le processus de dégradation. Il y a en effet toujours un risque qu'un traitement efficace pour un aspect devienne nocif pour l'ensemble du document. De plus, il peut y avoir des effets secondaires, des interactions chimiques à long terme jamais totalement prévisibles. La plus grande prudence s'impose donc.
Le traitement doit toujours être réversible.
En effet, malgré toutes les précautions, il n'est pas possible de prévoir toutes les interactions, toutes les réactions chimiques qui se produiront dans les siècles à venir. Les influences extérieures aussi ne sont pas toujours prévisibles à long terme : par exemple, l'évolution climatique, l'apparition ou l'augmentation de certains polluants dans l'atmosphère.
De plus, les techniques et les connaissances en matière de restauration évoluent : un traitement aujourd'hui recommandé peut faire demain l'objet de réserves très sérieuses au vu des conséquences constatées dans le temps ; les chercheurs peuvent trouver dans l'avenir une solution à un problème qui apparaît de nos jours insoluble.
Il faut donc toujours utiliser des méthodes qui permettent, autant que possible, un démontage de la restauration, tout en sachant que la réversibilité d'un traitement —notamment d'un traitement chimique — n'est presque jamais absolue.
Le traitement ne doit pas empêcher de futures recherches sur le document.
Le restaurateur ne doit pas faire preuve de virtuosité artisanale en "reconstituant" des parties perdues: son habileté, plus modestement, doit consister à respecter au mieux les parties originales du document et les éléments ajoutés doivent être principalement fonctionnels. De plus les restaurations de documents sont la plupart du temps visibles.
Il faut bien comprendre qu'un restaurateur de documents n'est pas un restaurateur de tableaux : l'aspect esthétique n'est pas primordial. Il ne s'agit pas de reconstituer le document autant que possible dans son état et son aspect esthétique originels, mais de retarder son vieillissement, de lui redonner solidité et cohésion, de le "guérir" lorsqu'il subit l'attaque de facteurs de détérioration, des moisissures par exemple.
Ainsi, une lacune dans une feuille de papier en plein milieu d'un texte sera comblée avec de la pâte à papier pour redonner de la solidité au document, mais il n'est pas question de reconstituer l'écriture ou les décors.
4.2. Les différents types de traitement
Face à un document en mauvais état de conservation, le restaurateur, en collaboration avec l'archiviste, dispose d'une gamme assez vaste d'interventions possibles de la plus légère à la plus lourde:
Traitements purement conservatifs où l'on ne fait subir aucune intervention directe au document. Ce peut être, par exemple, la confection d'un conditionnement adapté aux dimensions et à la nature du document. Cette mesure permet de le protéger de dommages mécaniques, mais n'arrête pas les processus d'altération endogènes. Il peut être une première étape dans l'attente d'une restauration programmable ultérieurement ou une solution satisfaisante dans le cas d'un document microfilmé ou numérisé dont la consultation ne se fera plus que sous forme de reproduction.
Traitements de restauration conservative sans remplacement d'aucune partie essentielle du document : le restaurateur procède à une intervention partielle, qui n'impose pas, par exemple, le démontage d'un volume. Ce type de traitement peut s'appliquer à des documents qui ne sont pas trop endommagés.
Traitements de restauration conservative avec remplacement de quelques parties essentielles:
une partie du document est reconstituée, mais d'une façon qui permet de savoir clairement que cette partie n'est pas d'origine.
Traitements de restauration avec remplacement complet de certaines parties, la reliure par exemple. Ce type de restauration peut être appliqué dans le cas de documents fortement endommagés. Quand la reliure d'un registre a totalement disparu, par exemple, il convient d'en refaire une afin de protéger ce qui reste du document. Il devra être évident que cette reliure n'est pas d'origine, la reconstitution devant être visible.