Module 8 - Section 5 : Programmer la restauration des documents

5. Quelques notions techniques

La Direction des Archives de France vient de mettre à jour son ancien recueil de Règles pour la restauration et la reliure des documents d'archives. Il s'agit maintenant d'un

Nous nous contenterons donc de rappeler, sans entrer dans les détails, les principales opérations de restauration, en insistant particulièrement sur les pratiques qui doivent être proscrites.

Ici notre objectif est de permettre à l'archiviste de

  • comprendre en quoi consistent les traitements qui peuvent lui être proposés par les prestataires de service

  • distinguer les traitements qui constituent un danger potentiel pour les documents

  • éviter que des prestataires incompétents ou des agents du service bien intentionnés, mais dépourvus des connaissances nécessaires, se livrent à des interventions nuisibles à terme.

5.1. Avant les travaux de consolidation

Avant les travaux de consolidation du papier, un certain nombre d'opérations peuvent ou doivent être menées. Certaines d'entre elles, comme la désinfection ou la désacidification par exemple, ne sauraient être systématiques. D'autres demandent que l'on prenne des précautions particulières.

5.1.1. La désinfection

La désinfection consiste à faire passer les documents dans un autoclave à l'oxyde d'éthylène, gaz extrêmement dangereux. Elle doit être pratiquée par des spécialistes. La désinfection ne saurait être considérée comme une opération de prévention : c'est un traitement exclusivement curatif, qui ne peut s'appliquer qu'à des documents manifestement infestés par des moisissures ou des insectes, déjà conservés dans le service ou devant y entrer. Elle ne doit donc pas être systématique.

Par ailleurs des prélèvements et des analyses préalables peuvent s'avérer utiles pour juger de l'opportunité de la désinfection.

En l'état actuel des connaissances, seule l'utilisation du gaz d'éthylène donne une entière satisfaction pour l'élimination complète à la fois des micro-organismes et des insectes. Néanmoins, c'est un traitement agressif et son innocuité pour les documents n'est pas totalement certaine : dans certains cas, des tests limités doivent être pratiqués avant de lancer une opération d'envergure.

5.1.2. Le débrochage

Le débrochage consiste à démonter la reliure d'un volume, à en séparer les cahiers, éventuellement à découdre les cahiers. Cette opération doit se faire avec le plus grand soin pour ne pas endommager les fonds des cahiers.

Tout débrochage doit s'accompagner d'un foliotage, le plus discret possible, à la mine de plomb, en bas à gauche du feuillet. Cette opération garantit le respect de l'ordre originel des feuillets lors de la reconstitution de la reliure.

5.1.3. Le nettoyage

Le nettoyage ne doit pas être confondu avec le blanchiment, parfois improprement appelé " lavage ".

Tout blanchiment est proscrit, en raison de conséquences possibles sur la stabilité du papier.

Deux procédés peuvent être utilisés:

  • Le nettoyage à sec

    Avant tout traitement, les documents doivent être dépoussiérés au moyen de brosses douces pour les documents fragiles ou de gomme spéciale, en poudre notamment. Le gommage doit être suivi d'un brossage extrêmement méticuleux pour éliminer tous les résidus.

    Le gommage est proscrit sur les documents pulvérulents, très poreux ou à l'encre fragile, même si le papier est de bonne qualité.

  • Le nettoyage en solution aqueuse

    il est indispensable d'effectuer un test de stabilité des encres, ainsi qu'une vérification du pH du bain de trempage avant d'y plonger le document.

    La manipulation des feuillets se fait obligatoirement à l'aide de supports de lavage en film ou non tissé de polyester.

    Toute opération de nettoyage en solution aqueuse est suivie d'un rinçage à l'eau claire en renouvellement constant afin d'éliminer tout produit utilisé.

    Le séchage au micro-ondes des documents traités à l'humide est proscrit.

5.1.4. La suppression des rubans adhésifs

Cette opération consiste à enlever les rubans adhésifs et les traces de colle qui ont pu être apposés sur le document. Elle se fait avec des produits diluants spécifiques différents selon l'ancienneté des autocollants. Elle doit être faite par des spécialistes avec de grandes précautions.

5.1.5. Le désentoilage

Le désentoilage consiste à enlever la toile de doublage ancienne de plans, par exemple. Il peut s'agir notamment de remédier à une restauration antérieure de mauvaise qualité. C'est une opération très délicate qui peut utiliser différents procédés (micronébulisation, vapeur). La décision de recourir au désentoilage doit être motivée par l'état de détérioration du document, les risques d'évolution de cette détérioration et la nécessité éventuelle de remplacer la toile de doublage

5.1.6. La désacidification

La désacidification : c'est un traitement visant à corriger le pH d'un document. Il doit être réservé à la neutralisation de l’acidité générée

  • Soit par la composition du papier ou de l'encre

  • Soit par l'environnement

  • Soit par contact avec des documents ou supports acides.

Un matériau est considéré comme neutre au Ph 7. La désacidification consiste à le faire revenir à ce Ph. Le taux d'acidité se mesure avec un Ph-mètre.

C'est une intervention délicate qui ne saurait être systématique. Elle se justifie le plus souvent pour les papiers produits à partir de pâte de bois. Avant de la pratiquer, il est important de vérifier si elle est vraiment nécessaire : un document dont le pH se situe entre 5,8 et 8,5 n'a pas besoin d'un tel traitement.

La désacidification ne doit pas être pratiquée sur des documents dont l'encre est soluble.

Elle peut se faire de deux façons :

  • Par trempage dans un bain aqueux contenant des produits spécifiques

    • tétraborate de sodium (ou borax)

    • bicarbonate de magnésium

    • hydroxyde de calcium

  • Par vaporisation de carbonate de méthyl-magnésium : C'est un procédé de surface, moins efficace. C'est le seul procédé admis pour la désacidification des calques.

Les modes d'utilisation de ces produits et les précautions à prendre suivant les types de papier et d'encre sont précisés par la Direction des Archives de France dans le manuel.

5.2. Les opérations de consolidation du papier

L'un des objectifs de la restauration des papiers est de les rendre à nouveau manipulables par des opérations de consolidation du papier plus ou moins lourdes.

A noter que le clivage, opération qui consiste à dédoubler un papier dans son épaisseur, à y insérer un support de consolidation et à le reconstituer par collage, est interdit sur les documents d'archives en raison des possibilités de falsification qu'il comporte.

5.2.1. Le comblement des lacunes

Le comblement des lacunes (trous) peut se faire :

  • Soit de façon manuelle

  • Soit par colmatage mécanique

La réparation des déchirures et le comblement manuel des lacunes se font avec de la colle d’amidon au papier japon ou, lorsque le papier du document est de bonne qualité (pur chiffon), avec un papier de même nature et de même grammage.

Le colmatage mécanique nécessite un matériel sophistiqué, coûteux et devant être manipulé par une main d'œuvre spécialement formée :

  • Une machine à colmater ou "colmateuse"

  • Un pulpeur-défibreur pour préparer la pâte à papier

S'y adjoignent éventuellement :

  • Une presse hydraulique

  • Une caméra et un ordinateur pour calculer la quantité de pâte à injecter en fonction des lacunes et du poids du papier.

L'utilisation de ce matériel ne se justifie que lorsque la masse des documents à traiter est suffisamment importante et que la taille des lacunes nécessite une intervention lourde.

5.2.2. Le doublage des documents

Le doublage des documents peut s’effectuer:

  • Soit à la main

  • Soit à la machine.

Quels que soient les possibilités techniques et le matériel disponible, il est essentiel de respecter les principes suivants:

  • Avant le doublage des documents, il est indispensable de combler les lacunes et de réparer les déchirures sans quoi le document gardera une fragilité qui rend la restauration inopérante.

  • Le doublage des documents ne doit en aucun cas être systématique ; seuls les documents qui ont subi des réparations et comblages importants et ceux dont le papier est de très mauvaise qualité sont concernés par ce type d'intervention.

Le doublage à la main se fait avec un papier japon soigneusement choisi en fonction du document à restaurer et de la colle d'amidon.

Le doublage mécanique se fait par thermocollage.

Le document est placé en "sandwich" de la façon suivante:

Le document est placé en "sandwich"

Puis il est placé dans entre deux feuilles d'un matériau de protection (Gore-Tex) et passé dans un laminateur à chaud qui permet le collage du sandwich.

Ce procédé, longtemps pratiqué dans les meilleurs ateliers de restauration, est aujourd'hui remis en cause par les dernières recherches scientifiques: le vieillissement des matériaux utilisés et la réversibilité dans le temps ne semblent en effet pas présenter toutes les garanties souhaitées.

Le thermocollage est donc très décommandé et doit être évité autant que possible.

Il est proscrit pour les documents anciens à base de pâte de chiffon, antérieurs à 1860, ainsi que pour les calques.

De plus les matériaux à utiliser ont été soigneusement sélectionnés : l'annexe de la circulaire de la Direction des Archives de France en donne une liste (Rubrique "Conservation matérielle", sous-rubrique "Restauration de documents" Normes").

5.2.3. L'entoilage

L'entoilage : c'est une méthode de renforcement traditionnelle, réservée aux affiches et plans de grand format lisibles seulement au recto.

L'entoilage se fait à la toile de coton ou de lin et à la colle d'amidon, avec un matériau intermédiaire entre la toile et le document, dont le choix dépend du type de papier.

L'entoilage des calques est en général proscrit.

En règle générale, on ne doit pas pratiquer de retouches de couleur sur les plans et les cartes.

5.3. La restauration du parchemin

Sur ce support, sont strictement proscrits les traitements suivants:

  • le blanchiment

  • le repassage au fer à repasser

  • le laminage à chaud ou à froid

Peuvent être effectués les traitements suivants, après test de stabilité des encres:

  • La remise à plat, mais seulement par un procédé approprié

  • Le comblement des lacunes et la réparation des déchirures avec du parchemin et un adhésif qui peut être de la colle de parchemin, de la gélatine ou de la colle d'amidon.

5.4. La restauration des sceaux

Si l'on souhaite faire restaurer un sceau, cette opération doit se faire avant toute autre intervention sur le document auquel il est attaché.

Il est possible par exemple :

  • de nettoyer un sceau encrasser

  • de consolider un sceau en comblant une lacune

  • de souder les morceaux d'un sceau cassé

Quelles que soient les interventions, elles doivent être confiées à du personnel hautement spécialisé qui utilisera des matériaux adéquats.

La Direction des Archives de France a mis en ligne une instruction sur la rédaction d'un cahier des clauses techniques particulières pour la restauration de sceaux.

5.5. La restauration des photographies

Il est possible, par exemple, de :

  • Nettoyer une photographie par gommage ou par traitement chimique

  • Démonter une photographie de son support secondaire et la remonter sur un autre support

  • Consolider une photographie et réparer des déchirures

  • Consolider la couche image

  • Combler et retoucher une lacune à l'aquarelle

  • Mettre à plat une photographie pliée, roulée ou ayant subi une déformation

  • Recoller les morceaux d'une plaque de verre cassée

Toutes ces interventions doivent être confiées à du personnel hautement spécialisé.

La seule opération qui puisse être pratiquée sans danger est un nettoyage avec délicatesse et à l'aide d'une brosse souple.

5.6. L'exécution et la restauration de reliures

La reliure est un métier à part entière qui requiert goût et habileté manuelle. La restauration des reliures nécessite en outre la maîtrise de techniques particulières et des connaissances en bibliologie (histoire des techniques de fabrication des matériaux et du livre, histoire des styles de reliures, etc.).

Sans entrer dans les détails, il convient ici de rappeler quelques principes de base :

  • Avant tout débrochage d'un document, il est nécessaire de le collationner pour vérifier qu'il est complet et, éventuellement, de procéder à sa foliotation au crayon de graphite pour éviter que les feuillets soient accidentellement remontés dans le désordre.

  • Le montage sur onglet est souvent une bonne solution, notamment lorsque la marge intérieure est insuffisante.

  • Tous les collages se font à la colle d'amidon.

  • Il est possible de nettoyer le cuir et les ors d'une reliure avec un savon spécial, puis de l'entretenir avec une cire spéciale également.

  • Il est fréquent de relier les brochures pour faciliter leur conservation : dans ce cas, la couverture complète de la brochure, dos compris, est conservée et incluse dans la reliure.

  • Dans le cas d'une restauration, il convient de conserver le maximum d'éléments originaux (carton, cuir, gardes, tranchefiles, etc.) et de les réinsérer dans la reliure neuve. Si les matériaux sont trop endommagés ou nocifs pour la conservation, ils seront conservés à part dans la boîte de conservation du document relié.

  • Toute restauration doit être discrète et réversible.

Les opérations suivantes sont proscrites sur les documents manuscrits :

  • Le rognage et le massicotage

  • Le surjetage (il convient de préférer le montage sur onglet)

  • La couture à la machine

  • Les retouches de dorures sur les éléments d'origine.

  • L'utilisation d'eau ou de solvant sur un parchemin comportant des dorures.

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