2.2.3. L'exemple français.

La question des "mentions marginales"

En France, les actes de naissance de l'état civil deviennent communicables au terme de 75 ans. Or, ces actes comprennent non seulement le corps de l'acte proprement dit, mais aussi les mentions inscrites en marge des actes, dites « mention marginales », qui rappellent les différents événements civils de la vie des citoyens : mariages, divorces, perte de droits civiques, voire changements de sexe, etc. Dans la mesure où cette typologie a été en grande partie microfilmée puis numérisée, la question de sa mise en ligne et des délais de mise en ligne s'est posée dès les années 2000.

Le rôle de la Commission nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL)

Aucune disposition législative ou réglementaire n'existait alors et c'est la Commission nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL) qui a statué, par une délibération du 12 avril 2012, dite Autorisation unique AU 029. Elle a estimé que la diffusion sur Internet ne relevait pas de la loi sur les archives, mais de la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés du 6 janvier 1978, dite loi Informatique et Libertés, et que le changement d'échelle que constituait la diffusion sur Internet pouvait générer des risques.

La CNIL a défini en conséquence des délais plus longs que les délais fixés par la loi sur les archives. Elle s'est notamment appuyée sur la distinction entre les « données sensibles », définies par la loi Informatique et Libertés, et les autres données, que l'on pourrait qualifier de « standard ».

Appartiennent à la première catégorie les informations relatives à la santé, à la sexualité, aux origines ethniques et raciales, aux opinions politiques, philosophiques et religieuses, à l'appartenance à un syndicat.

La catégorie des « données standard » regroupe les informations telles que l'adresse ou le numéro de téléphone personnels, mais aussi les salaires ou la composition du patrimoine familial.

Tableau de présentation des délais de mise en ligne selon l'Autorisation unique n° 029 du 12 avril 2012 de la Commission nationale de l'Informatique et des Libertés

Délais de communicabilité (loi sur les archives)

Mise en ligne par les services publics d'archives

Indexation sur les sites Internet des services publics d'archives

État civil : naissances

75 ans

100 ans (ou 75 ans sans les mentions marginales)

120 ans

État civil : mariages

75 ans

75 ans

100 ans

État civil : décès

Immédiat

25 ans

75 ans

Autres données à caractère personnel (hors données sensibles)

Immédiat ou 50 ans s'il y a atteinte au secret de la vie privée

100 ans

120 ans

Données sensibles (« données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses, ou l'appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci » (art. 8 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978)

50, 75, 100 ans à compter de la date des documents ;

25 ans après le décès ou 120 ans après la naissance (secret médical)

Accès restreint entre 100 et 150 ans ; diffusion libre après 150 ans

Pas d'indexation des données sensibles elles-mêmes (au moins pendant 150 ans)

Les dérogations

Les services d'archives français peuvent toutefois faire des demandes de mise en ligne anticipée, par dérogation à l'AU 029, en justifiant l'intérêt public de la mise en ligne.

Exemple

Ainsi, la CNIL a autorisé, en 2013 et 2014, dans le cadre des commémorations de la Première Guerre mondiale, la diffusion sur Internet et l'indexation nominative des registres d'enregistrement des soldats de 1914-1918 (« registres matricules »), alors qu'ils comportent des informations relatives à la santé et à des condamnations. Une autorisation a également été délivrée par la CNIL pour les dossiers des « fusillés pour l'exemple » de la Première Guerre mondiale.

Attention

À défaut d'être inscrites dans les lois sur les archives, les règles de diffusion sur Internet relèvent d'un droit « souple », qui a l'avantage de pouvoir être évolutif. Il s'agit parfois uniquement de règles de déontologie, adoptées collégialement par les archivistes, sans recours à une autorité extérieure.

  • Dans ce contexte, il convient d'être attentif aux demandes de la société, demandes de transparence administrative, mais aussi de protection de certains types d'informations, tout en ayant à l'esprit qu'aucun secret n'est éternel.

  • L'archiviste doit trouver l'équilibre entre la nécessaire protection d'informations relatives à des personnes vivantes susceptibles de leur porter préjudice et la diffusion dans l'intérêt public, à des fins de recherche, de documents déjà anciens et largement désensibilisés.