Une école d'été à Dakar sur le thème des référentiels de formations diplômantes en archivistique

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10 années 3 mois

N° 24
(6 juillet 2022)


 

Introduction

 

L’École d’été s’est déroulée à Dakar entre le 26 mars et le 8 avril 2022 en la présence de la directrice des Archives nationales du Sénégal, Madame Fatoumata Cisse Diarra et de la directrice des Archives nationales du Cameroun, Madame Esther Olembe. Ce projet est le fruit d’une coopération entre l’École des Bibliothécaires, Archivistes et Documentalistes de Dakar (EBAD), l’École nationale des Chartes (ENC) et l’Université Léopold Sédar Senghor à Alexandrie (Égypte). La tenue de ces deux semaines de formation s’inscrit dans un projet de collaboration beaucoup plus vaste au sein duquel figure la délivrance d’un diplôme universitaire, le DUSA (niveau master 1).

L’École d’été a été financée par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères français dans le cadre du Programme développement de l’enseignement supérieur en Afrique, ce qui a permis une prise en charge totale de tous les participants.

Sa réalisation a été retardée plusieurs fois pour cause de pandémie.

Nous avons interrogé deux formateurs intervenant dans l’École d’été, le Professeur Édouard VASSEUR (École nationale des Chartes) et le Professeur Mor DIEYE (École des Bibliothécaires, Archivistes et Documentalistes de Dakar). Nous les remercions de leur précieuse collaboration.

 


Thème de l'école d'été.

Les différentes sessions qui se sont déroulées sur deux semaines étaient consacrées au thème des référentiels de formations diplômantes en archivistique. Les réflexions se sont portées sur ce que signifie « former les futurs archivistes » : comment ? en quoi cette formation s’est-elle transformée ces dix dernières années ? quelle place réserver aux questions de bonne gouvernance, d’éthique, aux questions mémorielles, numériques etc. ? Pour répondre à ces interrogations, chaque journée a été consacrée à un sujet, abordé sous un angle théorique puis sous la forme d’un atelier pratique.

En ce sens, l’école est venue remplir parfaitement un des principaux objectifs du consortium tripartite : la promotion des archives sur le continent africain et l’affirmation de l’importance de la formation en archivistique.

 


Le programme et les contenus

Le programme a été élaboré en concertation avec les trois institutions partenaires autour de huit thèmes :

  • Gestion des archives, bonne gouvernance et efficacité administrative des services publics,
  • La collecte, le tri et l’élimination des archives : la posture/position et rôle de l’archiviste,
  • Les enjeux normatifs et matériels : Accès aux fonds d’archives et préservation de la sûreté de l’État, règles et délais de communication, protection des libertés individuelles,
  • Place de l’éthique et de la déontologie dans la gestion des archives,
  • Les publics (méthodologie d’accueil du public, aide à la recherche, valorisation en direction des « nouveaux publics »),
  • Conservation matérielle des documents,
  • Bâtiments d’archives,
  • Gestion transverse d’un service d’archives.

Les organisateurs ont opté pour une approche théorique et pratique. Chaque journée d’étude s’est clôturée sur un ou deux ateliers ; les apprenants ont travaillé sur des cas et ont confronté leurs idées et leurs expériences.

Édouard VASSEUR : Esther Olembe et moi-même avons essayé d’axer les deux ateliers dont nous étions responsables sur la question des parcours de formation, des cursus. Nous avons par exemple demandé aux apprenants : « qu’intégrez-vous dans une formation initiale/continue, dans le monde de l’entreprise ou dans le monde académique ? ».  Ou encore, « il y a des parcours qui existent, comment au regard de ce qui a été dit ce matin les évaluez-vous (journée sur la bonne gouvernance/records management) ? ». Pour vous donner un dernier exemple, je citerai l’atelier animé par Monsieur Adama Aly Pam qui a donné lieu à des échanges très constructifs : « vous devez participer à une commission justice et vérité de réconciliation, comment vous préparez-vous et comment agissez-vous ? ».

Mor DIEYE : J’ai animé le cours sur la conservation et la préservation avec Madame Elsa Marguin-Hamon, directrice de la recherche et des relations internationales à l’École nationale des Chartes. Parce que les problématiques de conservation qui se posent dans nos pays respectifs ne sont pas forcément les mêmes, nous avons pu bâtir une approche et une vision complémentaires qui, à mon sens, ont été très enrichissantes. À l’EBAD, nous prônons l’ouverture ! J’ai moi-même vécu longtemps à l’étranger et pour moi, la richesse c’est l’autre. Les frontières en matière de réflexions scientifiques n’ont plus de sens de mon point de vue. Nous avons donc tenté avec Elsa de brosser un tableau très complet du sujet.


Profils des formateurs et des apprenants

Les formateurs

Deux intervenants ont assisté à l’intégralité des séances et ont officié en tant que fil rouge durant ces deux semaines : Madame Esther Olembe, Directrice des Archives nationales du Cameroun et Monsieur Édouard Vasseur, Professeur d’Histoire des institutions, diplomatiques et archives contemporaines à l’École nationale des Chartes.

Les formateurs, au nombre de 13, provenaient en partie des trois institutions partenaires (EBAD, ENC, Université Senghor) mais pas uniquement. Sont intervenus pour l’EBAD :

  • Mor Dieye
  • Mohamed Lat Diop
  • Aminata Kane

Pour l’École des Chartes :

  • Elsa Marguin-Hamon
  • Édouard Vasseur

Pour l’Université Sédar Senghor : Monsieur Jean-François Fau.

La présence d’intervenants issus d’institutions et de pays différents a introduit une grande diversité dans les approches : Madame Esther Olembe, Monsieur Adama Aly Pam (UNESCO), Monsieur Bob Bobutaka Bateko (ISS Kinshasa), Madame Joana Casenave (Université de Lille), Madame Fatouma Cisse Diarra (Archives nationales du Sénégal), Monsieur Atouma Mbaye (WARC), Madame Helihanta Rajaonarison (Université d’Antananarivo Madagascar).

Les apprenants : quels profils ?

Édouard VASSEUR : Les apprenants, au nombre de vingt, étaient issus principalement du continent africain (Angola, Bénin, Cameroun, Côte d’Ivoire, Madagascar, Mali, Maroc, République démocratique du Congo, Tchad, Sénégal). S’ils n’étaient pas tous archivistes de formation initiale, tous étaient professionnellement expérimentés, soit dans le domaine de l’enseignement en archivistique (IFAN, EBAD, ESSTIC, INSAAC, Université de Madagascar par exemple) soit de par leur appartenance une institution d’archives nationale ou départementale-avec généralement un profil de records manager- (Archives nationales de l’Angola, UNICEF par exemple), soit les deux (institutions d’archives et organisme d’enseignement).

L’objectif de cette formation était d’aider les apprenants à améliorer ou modifier le contenu des formations qu’ils dispensent, quel qu’en soit le cadre.

 


Déroulement de l'école d'été

Mor DIEYE : Les apprenants étaient tenus de suivre les deux semaines de formation. Une attestation venant confirmer leur participation et leur évaluation au cours des ateliers a été remise à chacun à l’issue de cette école d’été.

Il faut préciser que, si c’était la première école d’été montée dans le cadre de ce partenariat tripartite, l’EBAD a une longue expérience en la matière et organise régulièrement des sessions de formation en coopération avec des institutions d’enseignement étrangers comme l’EBSI au Canada.

Médiatisation de l’évènement sur internet

L’annonce de la tenue de cette école d’été et son déroulement ont été largement relayés sur la page Facebook de l’EBAD mais n’ont pas fait l’objet de publications sur les différentes plateformes internationales dédiées à l’archivistique. C’est ce qui a encouragé le Comité de pilotage du PIAF à y consacrer un article dans ce vingt-quatrième Cri du PIAF.

 


Messieurs Vasseur et Dieye, qu'avez-vous retiré personnellement de ces 2 semaines ?

Édouard VASSEUR : J’ai tout d’abord été frappé par le nombre et la variété des formations en archivistique qui existent sur le continent africain. Même si certaines sont plus orientées vers une approche en sciences de l’information, il y a une vraie richesse des parcours. Logé au même endroit que les apprenants, j’ai pu, le soir, faire le point avec eux, découvrir ce qu’ils faisaient, où ils en étaient. Ils savent profiter des réseaux quand ils existent et sont extrêmement dynamiques !

Donc la formation est là. Il existe de nombreux parcours professionnels. J’ai pu constater également que mes interlocuteurs ont énormément voyagé pour se former (France, Canada, Chine, autres pays d’Afrique). À mon grand étonnement, j’ai découvert que plusieurs des apprenants étaient membres de l’Association des Archivistes Français dont le président de l’Association des Archivistes, Bibliothécaires et Documentalistes de Côte d’Ivoire, Monsieur Adama Kone.

En revanche, il semblerait que la mise en valeur de l’importance des archives en Afrique reste complexe en particulier pour ce qui est des bâtiments de conservation qui ne sont pas toujours décents voire pérennes. Je pense par exemple à l’Angola où la Chine a financé un magnifique bâtiment d’archives flambant neuf en omettant de fournir les notices pour faire marcher le matériel… Je pense aussi à nos collègues du Sénégal qui attendent depuis plusieurs années maintenant la construction d’un nouveau bâtiment pour conserver les documents nationaux.

Les échanges que j’ai pu avoir avec les autres formateurs ou les apprenants ont été très enrichissants pour moi et m’ont conduit à m’interroger sur les politiques françaises en matière de recrutement et de réflexion archivistique.

Je me suis rendu compte -par exemple- en discutant avec ma collègue Esther Olembe, qu’aux Archives nationales du Cameroun, ils recrutent au niveau L3. Et cela marche très bien ! Ce constat m’a fait réfléchir car en France nous restons très focalisés sur le niveau master.

Dans les discussions organisées par l’EBAD lors de la journée inaugurale, trois auteurs de référence revenaient tout le temps : Perrotin, Favier, Delmas, comme si rien n’avait été produit en France depuis 20 ans. Il y a un énorme fossé entre le monde francophone et le monde anglosaxon sur ce point (littérature de recherche). J’essaye avec Magalie Moysan de faire de la veille sur toutes les revues archivistiques anglo-saxonnes mais c’est très lourd. Il faudrait conjuguer nos forces et être plus nombreux à travailler sur le sujet.

Nombre des débats et des discussions qui se sont tenus à Dakar sont similaires à ceux que nous avons en France. Nous avons parlé de problématiques de sensibilisation, d’enjeux mémoriels, de déontologie. Cela m’a encouragé à m’interroger sur le contenu de mes cours et à me demander si j’allais assez loin. La journée de discussion sur les problématiques mémorielles a été très constructive et reste pour moi la journée la plus intéressante. J’y ai beaucoup appris, j’y ai entendu et développé des réflexions nouvelles sur la question. Cette journée m’a aussi permis d’entrer en contact et de découvrir les acteurs des réseaux locaux.

Pour conclure, ces échanges et rencontres avec les collègues, qu’ils soient formateurs ou apprenants, ont été le point phare de ces deux semaines pour moi. Les discussions ont été vraiment très fructueuses et m’ont permis de prendre du recul sur certains sujets.

Grâce au groupe WhatsApp créé pendant la formation, je compte bien rester en contact avec les participants !

 

Mor DIEYE : C’était une excellente expérience, très enrichissante ! Il y a eu un dialogue extrêmement constructif entre formateurs et stagiaires. Les thèmes abordés étaient riches et profonds. Personne n’a hésité à faire part de ses critiques ou de ses réserves. Et de nombreuses idées ont germé de ces contradictions.

L’école d’été a été un lieu de rencontres. J’ai beaucoup discuté avec Édouard Vasseur- que je n’avais fait que croiser jusque là- ainsi qu’avec d’autres collègues comme Bob Bobutaka Bateko et nos collègues de l’Université Senghor. J’ai énormément appris. Et il me semble que chacun a beaucoup appris de l’expérience et du parcours des autres.

Pour faire écho à ce qu’Édouard Vasseur soulignait plus haut, nous réfléchissons à l’EBAD à des ouvertures vers le monde anglophone parce que la réflexion archivistique y est également très dynamique et riche.

 


Conclusion

La cérémonie de clôture s’est déroulée en présence de la Directrice de l’École des Chartes, Madame Michelle Bubenicek, du Directeur de l’EBAD, Monsieur Moustapha Mbengue, et du responsable du département Culture de l’Université Senghor, Monsieur Ribio Nzeza Bunketi Buse.

 

Nous remercions à nouveau infiniment Monsieur Édouard Vasseur et Monsieur Mor Dieye de leur précieuse collaboration.

Caroline Becker, webmestre et directrice des opérations du PIAF