12. Microfilmer ou numériser : quel choix ?
Le rôle premier de la conservation archivistique ou muséale consiste à préserver, autant que les moyens le permettent, un objet à valeur patrimoniale. Mais, quand cet objet est un document voué, par la nature des matériaux qui le composent, à une détérioration irrémédiable, le rôle de l'archiviste ou du conservateur est d'en sauvegarder le contenu informatif. Pour cela la photographie argentique ou numérique constitue l'outil le plus approprié, autant pour le résultat obtenu que pour son coût de revient. A ce titre, le microfilm joue un rôle majeur, d'abord comme auxiliaire à la conservation préventive : en se substituant au support original, il limite les risques de dégradations liés à sa manipulation. Ensuite, il pérennise l'information par les propriétés de son propre support (durée de vie estimée à 500 ans minimum). Puis, il a, jusqu'à récemment, été un outil majeur de diffusion de cette information (c'est le volet " valorisation ". La numérisation est venue le relayer considérablement, au moins sur ce dernier point.
Le principe de la copie remonte à l’écriture, mais les procédés de transfert ont évolué dans le temps. Aujourd’hui, on utilise simultanément deux procédés photographiques :
• le microfilm
• la numérisation.
Le microfilm, support argentique, effectué en plusieurs exemplaires (exemplaire de conservation, exemplaire de reproduction à partir duquel sont tirées des copies de lecture), se conserve sans peine et ne nécessite que des appareils de lecture techniquement simples.
L’image numérique étant un fichier informatique, elle est particulièrement adaptée au domaine de la communication, elle nécessite de gros budgets (serveurs, migrations périodiques, changements de matériels de lecture…), mais chaque nouvelle évolution va de pair avec une réduction des coûts moyens de production et de conservation des fichiers numériques.
Naturellement il importe que le support de transfert choisi fasse l’objet, lui aussi, d’une bonne conservation de longue durée :
• conservé dans de bonnes conditions, le microfilm polyester peut durer plus de cinq siècles
• tandis que la conservation du numérique est très aléatoire et ne devient possible que si elle est soumise à des migrations perpétuelles au gré des progrès - et obsolescences contingentes - des matériels et logiciels.
Fut un temps où l'on pouvait se poser la question d'archiver ou non sur support numérique. Aujourd'hui, alors que la pérennité des supports est loin d'être résolue, nous sommes obligatoirement entraînés dans une course en avant du fait de l'évolution des techniques et des pratiques qui permet la génération directe d'images nativement numériques de grande qualité, facilitant leur multiplication et imposant leur préservation.
Désormais certains centres du réseau des Archives de France ont fermé leurs laboratoires de microfilm. Le Centre national du microfilm et de la numérisation a pour vocation de conserver les supports de sécurité, de manière transversale pour l'ensemble du réseau des Archives de France, en offrant des moyens mutualisés en espaces de stockage, en équipements et en personnel, il permet d'importantes économies d'échelle. Il accueille aussi depuis 2006 des fichiers numériques afin de les conserver de façon pérenne. Le support d'archivage est passé du CD-ROM à la bande magnétique LTO qui est apparue en 2000 et en est, en 2021, à sa huitième génération. L'obsolescence des lecteurs-graveurs oblige à une migration perpétuelle de 2 générations en 2 générations.
Il s'agit donc d'une course qui paraît actuellement sans fin, sauf à découvrir des supports associés à des outils de lectures pilotés par des logiciels tous capables de traverser les générations. Ce qui, dans l'état actuel des connaissances et des intérêts commerciaux ne demeure qu'une utopie.
En conclusion, les transferts de support sont une nécessité pour la conservation des documents originaux car les supports qui en résultent sont des supports utiles de substitution pour la consultation et la diffusion :
• le microfilm est un support de consultation contraignant mais un excellent support de conservation ;
• le numérique est un excellent support de communication, mais nécessite une démarche très rigoureuse et des moyens financiers importants pour pouvoir servir de support de conservation.
Exemple : Du numérique vers l’analogique, pérenniser le numérique par l’argentique : l’exemple des systèmes COM
Note : Quand on parle de COM on peut faire référence à diverses choses :
La méthode : Computer Output Microfilming
L’appareil permettant d’obtenir le résultat : Computer Output Microfilmer
Le support résultant de l’opération : Computer Output Microfilm (ou Microfiche ou Microform)
L’idée
Cela peut paraître paradoxal aujourd’hui ou la numérisation directe remplace un peu partout le microfilmage et où l’on numérise les microfilms dans le but de consulter de manière plus confortable leur contenu (ce qui annonce la disparition progressive de la bobine de lecture) mais ainsi qu’il est démontré dans ce même chapitre, le microfilm offre les meilleures garanties de conservation sur le long terme. Donc l’idée est logiquement apparue de l’utiliser comme sécurité ultime pour sauvegarder leurs fichiers numériques. Logique en vogue dans diverses administrations et entreprises et déjà implantée auprès de certaines archives publiques.
Les appareils
Des appareils spéciaux associant ordinateur et caméra microfilm, nommés en français traceurs ou enregistreurs, et, en anglais, Computer Output Microfilmer, mais aussi, selon les marques : archive-writer ou file-converter, développés par diverses marques permettent de reproduire sur divers formats de microfilms, des fichiers numériques de tous types, images textes, tableaux ou autres, sous forme d’images.
Le principe : dans un caisson à l’abri de toute lumière parasite, la caméra argentique pourvue d’objectifs de très haute qualité reproduit (« flashe ») les images issues de fichiers numériques apparaissant sur un écran couleur très haute définition. L’image est enregistrée sur une microfiche ou sur un microfilm, positif direct ou négatif, en bande de 16 ou 35 mm, d’une longueur de 300 mètres encapsulé dans une cassette. Des « blips » (pavés optiques argentiques codés en marge de chaque image) permettent une indexation informatisée des images pour les identifier et les retrouver aisément grâce à des appareils de lecture appropriés, comme cela existe déjà depuis longtemps sur certains microfilms 16 mm conventionnels. Sur le même support, une micro-image additionnelle peut contenir les informations liées aux fichiers numériques (index des vues avec légende des images, données EXIF [les informations techniques concernant la création du fichier numérique], le type de fichier originel [JPEG, TIFF, PDF, etc.]).
Il est à noter que, si on l’estime nécessaire (en cas de perte des fichiers originaux par exemple), on peut numériser le microfilm obtenu comme n’importe quel autre microfilm ordinaire, tout en étant bien conscient de l’inévitable perte d’information, aussi minime soit-elle, à chaque étape du processus.
En conclusion : les progrès réalisés notamment grâce à l’amélioration de la qualité des écrans ne permettent cependant pas de recommander cette technique pour tous les types d’images. L’analyse des vues à l’aide d’une forte loupe peut se révéler décevante. De plus de grandes disparités peuvent apparaître d’une marque à l’autre. Il est indispensable de réaliser des essais poussés avant de s’engager soit sur un achat de matériel (très onéreux) soit sur un contrat de prestation concernant de gros volumes d’images.
Information complémentaire : il existe aussi la possibilité d’enregistrer tous types de documents directement sous forme de codes informatiques sur du microfilm mais se pose alors la question du décodage sur le long terme.