4. Utilité, emplois, limites du microfilm

Pour contrer les dangers permanents qui menacent les documents originaux (catastrophes naturelles, actions humaines accidentelles ou malveillantes, dégradation naturelle des supports), longuement détaillés dans d'autres chapitres, on a imaginé d'utiliser le microfilm à la fois comme moyen de reproduction destiné à la consultation et comme moyen de sauvegarde des fonds d'archives.
4.1. Utilité d'une copie imagée
L'établissement d'une copie microfilmée est un moyen de sauvegarde par l’image du contenu des documents ainsi qu'une protection indirecte des originaux. La communication sous forme de microfilm permet aux lecteurs d'accéder à l'information et de faire des copies sans recourir au document original, épargnant à celui-ci sorties de magasins, manipulations en salle de lecture et remises en place aléatoires. Elle peut se faire à distance du lieu de conservation de l'original, apportant la connaissance à un plus grand nombre de chercheurs. Enfin, le microfilm, à la différence des photocopies, peut être reproduit plusieurs fois sans avoir à revenir aux documents originaux.
Bien traité et bien conservé, le microfilm moderne a une durée de vie pouvant dépasser 500 ans, si l'on en croit les tests de vieillissement ; si on constate des détériorations, le film peut facilement être reproduit en l'état. La surveillance de sa conservation est peu contraignante et peu coûteuse.
Depuis les années 1990, l'image numérique concurrence l'image argentique. La numérisation directe et ses possibilités de recherche automatique offrent pour la communication de grands avantages sur le microfilm. Pour des fonds fermés bien classés et pour des masses documentaires dont la fréquentation est aléatoire, le microfilm reste cependant une excellente sauvegarde.
Cette analyse d’un raccourci percutant qui provient du site Agfa Gevaert est toujours d’actualité :
"le film analogique est encore le meilleur média pour l'archivage à long terme : il a fait ses preuves depuis des années et son prix de revient est compétitif. La technologie actuelle permet de numériser l'information contenue sur microfilm afin d'utiliser les avantages des deux médias : le microfilm pour son prix de revient et archivage à long terme, l'image numérique pour accès rapide et diffusion aisée".
4.2. Emplois du microfilm
La théorie énonce trois sortes de films : de sécurité, de substitution, de complément.
Microfilms de sécurité
L'opération de reproduction s'applique aux fonds les plus rares, les plus fragiles et les plus précieux conservés dans le service et aux inventaires en exemplaire unique pour parer à une destruction éventuelle de documents qui doivent être conservés indéfiniment et dans les meilleures conditions. Tous les documents qui composent les fonds sont reproduits dans l'ordre où ils se présentent et qui est indiqué dans les inventaires.
Microfilms de substitution
Après reproduction par microfilmage, les documents sont détruits. Le microfilm prend alors la place du document lui-même.
Il n'existe que peu d'exemples du genre dans l'administration française, ce procédé a davantage été utilisé à l'étranger, notamment aux USA pour la presse. Des journaux sur très mauvais papier ont été détruits après reproduction. Le procédé est plus fréquent dans des entreprises privées pour des documents à durée d'utilité limitée dans le temps. On peut citer le cas de la Caisse autonome de Sécurité sociale dans les Mines qui a établi des films 16 mm en remplacement de bordereaux de salaires originaux et versé une copie du microfilm aux Archives nationales.
Microfilms de complément
Les microfilms de complément sont établis d'après des documents dont les originaux se trouvent dans d'autres dépôts, publics ou privés. Il peut s'agir d'archives étrangères, d'archives privées, de familles ou d'entreprises, de bibliothèques ou d'institutions scientifiques diverses.
Exemple :
Histoire internationale : documents intéressant l'Histoire des Flandres
Registres des comptes de la Recette générale des Finances de Bourgogne et du Grand Bailliage de Hainaut, des cartulaires de Flandre, d'Audenarde, Liège, Malines, Gand, Hainaut, Valenciennes etc. Documents allant de 1291 à 1699, conservés aux Archives départementales du Nord et de la Côte d'Or qui ont été filmés spar le Fonds National de la Recherche Scientifique belge.
Le microfilm comporte 292 bobines soit 7 357 mètres de pellicule et plus de 175 000 vues.
Des exemplaires de ces films se trouvent aux Archives Nationales en France, aux Archives générales du Royaume de Belgique, dans diverses Bibliothèques de Belgique, et dans les archives départementales concernées où ils font l'objet de nombreuses communications.
Histoire nationale : le chartrier de Castries (département de l'Hérault, France)
Reflet de l'histoire d'une famille, où l'on trouve les papiers d'un officier couvert de gloire dans les guerres du XVIIIème siècle et ministre de la Marine de 1780 à 1787, et les titres des biens des diverses branches de la famille.
Le microfilm comporte 168 bobines, 4 343 mètres, 101 131 vues.
Ces documents intéressent tant les institutions que l'histoire locale du Languedoc ou du Nord de la France.
4.3. Limites du microfilm
Pour qu’un microfilm soit utilisable, il faut que les documents qu’il reproduit soient classés et rangés en bon ordre. Le travail de prise de vue et les fournitures ont un coût certain, le prix d’une seule vue est dérisoire, mais la multiplication en masse augmente très vite le coût. Enfin, on ne peut aisément ajouter ou retrancher des documents une fois la prise de vue réalisée.
Nécessité d'un classement préalable
Le microfilm fige un fonds, il faut donc que celui-ci soit trié, classé et pourvu d'un inventaire avant de passer à la prise de vue. Si on compte le temps que prennent toutes ces opérations dans le prix de revient d'un film, le microfilm coûte très cher ; on peut cependant penser que le classement fait partie de l'activité normale d'un service d'archives et ne devrait pas être imputé aux dépenses nécessitées par l'application micrographique.
On voit souvent réaliser des microfilms immédiatement après le classement d'un fonds, surtout s'agissant de fonds anciens moins importants en volume que les archives contemporaines. C'est un moyen de fixer le classement qui vient d'être effectué, et aussi une preuve de la présence des documents à un moment donné; de tristes exemples ont montré que des larcins peuvent survenir après la diffusion d'un inventaire.
Coût de réalisation et d'investissement en matériel
La réalisation a un coût non négligeable : investissement en matériel, dépenses d'exploitation, frais d'entretien, dépenses de personnel, matériel et de consommables. L'utilisation entraîne aussi l'investissement dans les équipements de lecture, de conditionnement et de classement, ainsi que de personnel.
Les appareils spécifiques destinés à la lecture et à la reproduction représentent un marché plus confidentiel (on parle de « niche ») que les équipements informatiques courants et sont donc, en proportion, plus onéreux. Mais pour lire un microfilm on peut se contenter, outre la présence du microfilm, du système lumineux d'agrandissement et de projection le plus simple ne dépendant pas de changements techniques, au pire une bonne loupe et n’importe quelle source de lumière artificielle ou naturelle, d'intensité suffisante, peut faire l’affaire. Alors que l'obsolescence perpétuelle des outils logiciels et matériels informatiques rend les supports numériques inutilisables en quelques années, ce qui contraint à effectuer des migrations perpétuelles à chaque mutation technologique.
Quelques inconvénients du microfilm
La valeur intrinsèque du document est perdue dans la copie filmée, comme dans tout autre moyen de reproduction.
Il est difficile d'ajouter des documents supplémentaires une fois les documents filmés.
Le lecteur ne peut pas comparer deux images différentes sur le même rouleau.
Les recherches automatisées sur microfilms sont rares, il faut donc dérouler le film vue par vue, parfois sur toute sa longueur, comme si on tournait les pages du document original.