2. Origines

La mise au point des techniques employées remonte au XIXe siècle pour la microphotographie, aux années 1920-1930 pour le microfilm en rouleau.

Un microfilm de lecture se présente aujourd’hui sous la forme d’une bande composite : un support de matière plastique souple et transparent recouvert d’une ou plusieurs couches photosensibles, dans lesquelles se sont formées les images lors du traitement chimique. Il est conservé enroulé autour d’une bobine. Sa longueur peut varier de quelques dizaines de centimètres à une quarantaine de mètres. La lecture courante se fait à l’aide d’appareils générant une source lumineuse et pourvus d’un système optique de projection ou à l’aide d’appareils numériques de reproduction.

ComplémentDébuts de la microphotographie

La photographie microscopique débuta avec les expériences de John B. Dancer, à Londres, dès 1839, année de naissance de la photographie, avec le Daguerréotype (iodure d’argent sur plaque de métal, cuivre le plus souvent) puis, en 1852, avec le collodion au nitrate d’argent sur plaque de verre, procédé apparu en 1851, qui avait la particularité d’être d’une résolution extrêmement fine et transparent, contrairement au précédent. En 1859, à Paris, le photographe Prudent René-Patrice Dagron (plus couramment nommé René Dagron) dépose le brevet de son procédé de « photomicroscopie ». En 1867, il présente à l’exposition universelle ses micropoints qu’il commercialise. Il s’agit de portraits reproduits en séries, en format très réduit, sur fine pellicule de collodion, qu’il collait sous des tronçons de petites baguettes de verre faisant lentilles (dites de Stanhope) d’un grossissement de 300 à 400 fois, enchâssées dans des « bijoux optiques » ou « bijoux photographiques microscopiques », bagues, pendentifs ou broches, permettant de porter sur soi une image d’êtres chers ; on vit par la suite se multiplier des photographies de monuments et sites touristiques célèbres (ou bien d’autres sujets) insérés dans le corps de porte-plumes, coupes-papiers, chapelets, mètres-ruban, pipes, cannes, objets souvenirs et autres gadgets.

ComplémentEvolution de la pellicule en rouleau

Dans les années 1870 et 1880 l’anglais Richard Leach Maddox remplace le collodion par de la gélatine et le nitrate d’argent par du bromure d’argent (gélatino-bromure), le procédé est amélioré puis commercialisé sur support verre par Charles Harper Bennett. Il permet des prises de vues relativement rapides (instantanés) avec un support prêt à l’emploi, fabriqué en usine.

En 1884-1885, aux États-Unis, George Eastman, créateur de la marque « Kodak » invente et lance le premier film photographique souple en rouleau, sur support papier directement enduit d’une « émulsion » photosensible au gélatino-bromure. Mais, bien qu’il fût huilé pour le rendre transparent, la fibre du papier interfère sur la lisibilité des images : c’est un échec commercial.

De 1886 à 1889, c’est une couche de gélatine qui est sensibilisée (gélatino-bromure) et appliquée sur le papier via un substrat constitué d’une autre couche de gélatine soluble (c’est « l’American Film »).

Après le traitement chimique, le papier était séparé de la gélatine porteuse des images en dissolvant la mince couche de substrat par aspersion d’eau chaude. Puis on coulait à la place une nouvelle couche de gélatine pour renforcer le film et pouvoir procéder aux tirages sur papier photosensible.

En 1889-1890, Eastman utilise comme support une bande de celluloïd (nitrate de cellulose, ou autrement nommé nitrocellulose + camphre), première matière plastique artificielle apparue en 1861. Le format réduit de l’appareil, sa simplicité de fonctionnement et le service de développement et tirage en usine des 100 photographies contribuent à mettre la photographie à portée d’un plus vaste public. Le succès est au rendez-vous.

Le nouveau support celluloïd en bande ouvre la voie vers l’invention du cinéma (Thomas Edison : Kinetoscope, 1891 ; frères Lumière : Cinématographe, 1895).

La technologie du cinéma est étroitement liée à la naissance et à l’évolution du microfilm (grande quantité de vues sur un support souple de grande longueur et appareils de traitement adaptés). Il est donc pertinent de s’attarder sur quelques étapes de son évolution fulgurante.

Le format photo de 70 mm de large, divisé par deux, donnera naissance au plus populaire des formats aussi bien en cinéma qu’en photo : le film 35 mm. Souple et léger, il sera assez résistant, malgré les nombreuses perforations, sur les bords longitudinaux, nécessaires à l’entraînement, pour subir de multiples défilements saccadés (blocage du film face au système optique à chaque vue lors de la prise de vue et de la projection) dans les caméras, les projecteurs et les tireuses de duplication (les trois appareils étant réunis en un seul chez les frères Lumière !).

Le nitrate de cellulose, composant principal du celluloïd – utilisé, par ailleurs, dans la fabrication d’explosifs – avait la dramatique capacité de s’enflammer facilement, voire spontanément, dans des conditions de températures élevées et de mauvaise ventilation. Il s’est tristement illustré en étant à l’origine de nombreux incendies dont certains dévastateurs et meurtriers, comme celui parti de la réserve de radiographies de la clinique de Cleveland (Ohio, USA), en 1929, qui provoqua 123 morts. Ce seul défaut auquel il faut ajouter son instabilité chimique (il se détériore en quelques dizaines d’années) interdisait son utilisation massive, et son stockage, dans le milieu des archives et des bibliothèques.

Entre 1905 et 1910, AGFA (Akteingesllschaft für Anilin Fabrikation) associé à Bayer et BASF en Allemagne, Eastman-Kodak (de 1909 à 1912) et la Celluloïd Cy aux Etats-Unis lancent la production de pellicule de cinéma sur le support acétate (diacétate, triacétate...) de cellulose découvert en 1905 dans sa version exploitable. Ce nouveau type de pellicule portera le nom de « film de sécurité » ou « safety film » que l’on voit imprimé sur les bords de certaines pellicules de photo et de cinéma, et remplacera progressivement le nitrate. Ce dernier est définitivement interdit en 1955 – après beaucoup de blocages provenant des professionnels qui appréciaient ses propriétés mécaniques – l’année de l’apparition du polyester.

En France, en 1907, le producteur de films de cinéma Léon Gaumont, lance le développement automatique en grandes longueur. De son côté son concurrent Charles Pathé, fit beaucoup pour le succès du support acétate afin de s’affranchir du quasi monopole d’Eastman pour la fourniture de pellicule nitrate et lance en 1912 avec l’aide de la SCUR (Société Chimique des Usines du Rhône) la production de pellicule acétate 35 mm et 28 mm destinée à alimenter son projecteur familial « Pathé Kok », suivi de la caméra en 1913.

En 1922, il va renforcer la demande avec succès, quand il crée le cinéma amateur en introduisant le format économique 9,5 mm dans les foyers des Français moyens : il lance d’abord le projecteur grand public « Pathé baby », puis, en 1923, la caméra conçue sur la même logique : la grande simplicité d’utilisation. La pellicule est à perforation centrale et le procédé inversible : l’image issue de la caméra est directement positive après développement, donc prête à projeter.

La reproduction documentaire pourra ainsi, dans un premier temps, utiliser les films spéciaux destinés à la duplication des négatifs originaux de films de cinéma, à la fois plus sûrs (et donc archivables) et d’une résolution supérieure (grains d’halogénures d’argent plus fins et plus nombreux) ce qui se révèle précieux pour la reproduction photographique en format réduit.

En 1937 apparaissent enfin les premières véritables émulsions destinées à la reprographie documentaire, les premiers véritables microfilms.

ComplémentPremières applications en France

1) Reproduction à usage administratif

Le premier exemple de reproduction massive de documents à usage administratif en France remonte à la guerre de 1870-1871. Pendant le siège de Paris, René Dagron, alors chef de service des correspondances postales photographiques, proposa au directeur général des Postes, son procédé de « photomicroscopie » sur pellicule de collodion. Ce procédé était plus rapide, plus léger et d’une définition très supérieure au papier que l’on avait commencé à utiliser pour des reproductions réduites de dépêches destinées au système de transport par pigeons voyageurs mis en place, par le service du télégraphe, entre Tours et Paris, puis entre Bordeaux et Paris : les pigeongrammes ou dépêches-pigeon. Les messages à transmettre, documents émanant de membres du gouvernement provisoire de Gambetta, copies de journaux, cartes pour l’armée, ou simples messages de particuliers (service payant) étaient regroupés et photographiés sur plaques de verre au collodion sec. Les émulsions, de 5 × 3 cm, regroupant 12 à 16 pages contenant en moyenne 3000 dépêches, étaient séparées de leur support, enroulées en liasses (jusqu’à 18 unités) et glissées dans des tuyaux de plumes fixés à la queue des pigeons qui avaient été amenés de Paris par ballon. Par sécurité on multipliait les envois d’une même série (entre 6 et 38 fois). Environ 2,5 millions de messages furent ainsi acheminés. À l’arrivée à Paris la fine pellicule était insérée entre deux plaques de verre et projetée agrandie à l’aide d’une lanterne magique à arc électrique pour être retranscrite sur papier par des équipes de rédacteurs.

2) Premiers microfilms dans les archives

Les premiers microfilms de documents dans les archives en France datent de 1937. Jean Hubert, archiviste de la Seine-et-Marne, qui, en 1935, a installé, à ses frais, un système de reproduction (sur la base d'un appareil photographique 24 x 36) destiné à une production économique de reproductions photographiques, fait reproduire, en 24 × 36 mm, divers documents (manuscrits autographes de Bossuet, et surtout des plans) et en fait tirer des épreuves de consultation en taille réelle pour les lecteurs. On ne communiquait pas le film, les premiers appareils de lecture de microfilms mis au point en 1928 étaient encore peu répandus.

Aux Archives nationales, la première opération de microfilmage de complément fut effectuée entre décembre 1940 et mai 1941 lors de la restitution à l'Espagne du fonds dit "de Simancas" que Napoléon 1er avait fait transférer en France en 1810 (c’était d’ailleurs l’ultime parmi les fonds confisqué par Napoléon dans toute l’Europe, encore conservé par les Archives nationales). Ces microfilms reproduisent les anciens articles cotés K 1385 à 1711 (55 000 documents), concernant les relations diplomatiques de la France avec l’Espagne de 1265 à 1812. Ils sont répartis actuellement en 278 bobines (cote 21 Mi) pour une longueur de 6 270 m.

En 1949, Charles Braibant, alors directeur des Archives de France, crée une sous-section des archives privées, économiques et du microfilm aux Archives nationales pour engranger, sous forme de microfilms  de complément, les fonds privés ou économiques dont les possesseurs ne souhaitent provisoirement ou définitivement pas se dessaisir, et dont le volume, parfois important, risque de dépasser les capacités linéaires de rangement. Cette même année, apparaissent les premiers ateliers équipés aux Archives nationales et au Archives de la Haute-Vienne.

En 1954, rédaction du premier « Catalogue des microfilms de sécurité et de complément  conservés dans les Archives des départements ».