7. Choix, tri et préparation des documents avant microfilmage

Diverses opérations sont à faire : choisir entre un microfilm complet ou partiel, identifier les documents à microfilmer, les mettre en ordre correct, rassembler des copies des instruments de recherche[1], rajouter sur les inventaires[2] la cote du microfilm correspondant à la cote du document, et techniquement assurer une lisibilité parfaite des microformes par le calcul de l'éclairage ou du temps de pose ainsi que par le choix du ou des taux de réduction adaptés au format et au texte des documents.

7.1. Choix et tri

Après avoir déterminé quels documents seront microfilmés, il faut décider si le microfilmage sera exhaustif ou sélectif.

Un microfilmage de sécurité doit par définition porter sur des articles entiers : on conserve toute leur valeur informative aux documents en gardant leur contexte; en effet ôter des documents autres que des doubles provoque des lacunes et donc dénature l'information.

Un microfilmage partiel suppose une estimation du degré d'intérêt des documents ; le concept de valeur des documents étant fluctuant en archivistique, le travail du choix ne peut être confié qu'à un expert qualifié, il prend du temps, implique la rédaction de notices descriptives, et demande une remise en ordre soigneuse après l'opération de prise de vue.

7.2. Préparation

La copie filmée doit être d'utilisation facile pour le lecteur : il est plus difficile de se repérer dans les microformes que dans les documents eux-mêmes ; un fonds à microfilmer doit donc être classé beaucoup plus rigoureusement qu’un fonds consultable sur documents originaux, où les erreurs et inversions sont toujours rectifiables à l'aide des éléments matériels visibles tels que la nature du papier ou la couleur de l’encre.

Il est très important que les documents soient munis de répertoires et qu'il y ait des subdivisions internes apparentes. Les index, répertoires, tables et autres instruments de recherche seront dans la mesure du possible microfilmés avant les documents qu'ils concernent, sinon les lecteurs doivent pouvoir y accéder quand ils consultent les microfilms.

Le fonds original sera vérifié, mis ou remis dans un ordre logique ou conforme à l’inventaire. Les lacunes seront signalées par un panneau microfilmé. Les documents seront paginés, soit pièce par pièce soit en continu.

Toute disposition anormale (pagination originale erronée ou interrompue, dossier commençant par la pièce la plus récente, pièces annexées insérées au milieu d’un texte, plans à éléments mobiles) fera l’objet d’une rectification matérielle avant microfilmage ou d'un panneau explicatif détaillé microfilmé. Il est inutile de reproduire des doubles ou des imprimés redondants, même si on fait un microfilmage complet. On peut ôter ces documents ou mettre une note pour indiquer à l'opérateur de ne pas les filmer. Les pages blanches ne seront pas microfilmées, mais leur présence sera indiquée par un panneau (exemple : " 4 pages blanches non microfilmées "). Les annotations, cotes et autres éléments portés au verso des pièces isolées doivent être filmées avant le texte de la pièce elle-même.

Les pièces jointes seront filmées immédiatement après les lettres de transmission. Les enveloppes portant une adresse et les mentions portées au dos d’un document sont microfilmées avant la pièce correspondante et sont paginées en conséquence. Les documents pliés seront filmés dans l'ordre logique de lecture lorsque une vue d'ensemble est impossible.

ComplémentCotation des microfilms

Il est indispensable d’identifier les bobines de films pour pouvoir les retrouver rapidement après rangement et les donner en consultation. Avoir pris soin de photographier la cote des documents en début de pellicule au moment de la réalisation des microfilms, facilite cette identification et évitera, il faut tout prévoir, les erreurs éventuelles de remise en boîte lors de la consultation des microfilms.

On peut choisir soit de donner une numérotation propre, en utilisant la cote réelle des documents, soit de se servir de systèmes de cotation sophistiqués intégrant pour partie la provenance du film ou la cote des documents papier.

1. Numérotation simple

Un numéro peut être attribué aux films dans l’ordre de leur développement en allant de 1 à l’infini, ou plutôt du genre 000 000 001 à l’infini, pour ne pas être gêné par les exigences des systèmes informatiques. Ce système est le plus simple qui soit ; il faut seulement faire attention à éviter les doublons des numéros attribués ; on doit faire figurer ces numéros sur la pellicule qui est ainsi facile à identifier. Une table de concordance entre les cotes des documents et les numéros des bobines permettra aux lecteurs de trouver facilement les n°s à demander pour consulter les films.

C’est le système suivi par la Société généalogique des Saints du Dernier Jour à la Granite Mountain Records Vault près  de Salt Lake City qui renferme des millions de microfilms d’état civil concernant le monde entier. Il permettait de commander sans inconvénient apparent une duplication de film à cette société religieuse, jusqu'à ce qu'elle passe au tout numérique et cesse la communication de ce type de support en 2007.

2. Utilisation de la seule cote des documents

a) Méthode

Attribuer aux bobines les cotes originales des documents parait un système intellectuellement satisfaisant, mais il laisse entendre qu’on considère les films comme des copies ordinaires.

Pour prendre des exemples parisiens, on donne la cote exacte des documents et on l’inscrit sur les inventaires et les contenants des bobines:

-----Par exemple :

JJ 1, 2, 3, 4 pour les registres du Trésor des Chartes

XX 1, 2, 3, 4 pour ceux du Parlement de Paris.

Evidemment, les articles volumineux ne peuvent être filmés sur une seule unité de consultation commode qu'est la bobine de 30 mètres en 35 mm (500 à 700 vues).

-----Par exemple :

Pour une cote de document XX 145 qui serait d'une longueur importante, on peut donc avoir plusieurs cotes de microfilms si plusieurs bobines ont été nécessaires pour filmer le document entier:

donc XX 145 R1, XX 145 R 2… ou pour être clair et rigoureux, il faudra inscrire :

XX 145 XX R 1/2, 145 XX R 2/2 (s’il y a deux bobines ou rouleaux). On notera que le R signifie rouleau (synonyme de bobine) ou " roll " en anglais ce qui rend ce code compréhensible au niveau international.

b) Précautions à prendre

Attention à ne pas créer un décalage entre les n°s des cotes et ceux des bobines :

il serait anormal que la bobine nommée par supposition XX 144 reproduise le document XX 139 parce qu’on a eu besoin de plusieurs bobines pour les articles précédents, ou le document XX 159 parce qu'il y a plusieurs articles sur une seule bobine.

Une bobine de 16 mm peut enregistrer un plus grand nombre de vues (4 à 5 000) car celles-ci sont plus réduites, pour une même longueur de bobine ; donc plusieurs articles entiers tiendront sur un même rouleau qui devra mentionner toutes les cotes de documents reproduites. La bobine aura plusieurs cotes, mais cela correspond à la réalité du microfilm.

Il faut prévoir de la place pour ranger les films:

En principe, dans les archives, on privilégie un stockage homogène des cotes, pour les microfilms comme pour les documents.

Un microfilmage parcellaire d'une série de documents incite à laisser des lacunes plus ou moins provisoires dans le rangement des films. Lacunes que l'on est tenté de combler par des films concernant d'autres séries, car l'espace est précieux et le mobilier spécialisé est coûteux.

Ce qui était autrefois un véritable casse-tête pour les archivistes peut désormais être résolu par l'informatique qui permet de ranger toutes les bobines à la suite les unes des autres quel que soit leur contenu, à condition de tenir à jour un inventaire utilisant des codes simples de localisation (image 35).

Cette solution autorise  aussi le rangement définitif des bobines au fur et à mesure de leur production - et donc de les mettre à la consultation - sans attendre l'achèvement de la série complète.

3. Utilisation d'une cotation spécifique

Cette méthode donne aux films une identité propre.

Les Archives de France ont créé une série spéciale nommée Mi ou MI, qui indique tout simplement qu’il s’agit de microfilms.

Celle-ci peut être traitée de deux façons.

a) Numérotation simple

On attribue à chaque fonds une sous-série par ordre numérique continu au fur et à mesure de la confection ou des achats des films ; on a alors une cote à trois éléments :

-----Exemple: 25 MI 52

25 correspond au fonds filmé en 25e lieu

MI indique qu’il s’agit d’un microfilm

52 qu’il s’agit du 52e rouleau réalisé pour ce fonds.

b) Système sophistiqué en usage dans les archives départementales françaises

Les cotes indiquent différentes catégories de films (pour mémoire les plus courantes sont : 1 MI films de complément, 2 MI films de sécurité, 5 MI et 6 MI films d’état civil ou autres catégories réalisés par la Société généalogique de Salt Lake City). A l’intérieur de ces séries on crée des sous-séries correspondant chacune à un fonds donné, et à l’intérieur de ces sous-séries, les rouleaux sont numérotés dans l’ordre numérique croissant du microfilmage. On peut ainsi préparer un microfilmage en réservant des sous-séries bien déterminées, et on pourra sans risque de doublon faire travailler plusieurs photographes ou plusieurs ateliers qui n’ont qu’à faire figurer le n° de bobine à la suite de la cote qui leur a été fournie.

-----Exemple

Pour microfilmer les délibérations d’une commune donnée (les documents sont supposés conservés dans la commune), on prévoit une sous-série 1 MI 136/87041

  • 1 MI indique microfilm de complément

  • 136 est supposé le premier n° libre dans la sous-série 1 MI qu’on va attribuer aux délibérations de cette commune

  • 87041 est le n° INSEE de la commune

Les photographes n’ont plus qu’à numéroter les rouleaux dans l’ordre de la prise de vue et à noter ce qui est microfilmé sur chaque rouleau, en précisant la longueur et le nombre de vues pour chaque article filmé, et le cas échéant comment ils ont coupé un article volumineux.

La cote finale sera 1 MI 136/87041 R 1 pour le premier rouleau.

Inventaire

Un inventaire ou répertoire est indispensable pour savoir ce qui a été filmé et permettre la communication. Il doit mentionner les cotes des films et des documents, une brève analyse du ou des documents filmés, préciser si le film reproduit l’article de façon exhaustive ou partielle, et ce qui correspond à chaque rouleau ; puis on indique les caractéristiques matérielles du film :

  • auteur du film ;

  • date de la prise de vue ;

  • longueur en mètres pour chaque document ;

  • nombre de vues pour chaque document (les caméras enregistrent automatiquement ce nombre lors de la réalisation du film) ; si l’on veut faire numériser le film par la suite, cette précaution évitera l’opération fastidieuse de recompter les vues puisque le prix de la numérisation est fixé à la vue ;

  • polarité des vues et formats de pellicule (positif ou négatif, 16 ou 35 mm) et, quand on a pu l'identifier, la nature du support : acétate ou polyester. Ce qui permet le suivi sanitaire des films archivés.

  • Génération du film : original (master) ou copie de 1er, 2e ou autre génération. Indication indispensable quand on sait que, d'une part, les mormons ne fournissaient jamais l'original issu de la caméra et que, d'autre part, avec l'argentique - et contrairement au numérique - la succession des générations est limitée à une demi-douzaine maximum avant d'obtenir une image très dégradée.

On ne pourra pas faire l’économie d’une table lorsque la collection de films est importante.

Rappelons avec insistance que, dans la mesure du possible, une cote de microfilm doit correspondre à une ou plusieurs unités entières d’articles microfilmés et qu’il faut éviter d’avoir une bobine qui comprendrait la fin d’une cote et le début d’une autre. Dans le cas contraire, cela complique l'établissement de l'inventaire et la consultation du microfilm.