Cri du PIAF n°24

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CRI DU PIAF n° 24
(6 juillet 2022)

Editorial

 

6 juillet 2022

 

Les archivistes ne devraient jamais choisir, au péril de leur vie, entre rejoindre l’armée ou préserver leurs archives.  Et pourtant, c’est ce qui se passe en Ukraine depuis la fin février dans un effort de servir le pays pour que l’identité ukrainienne soit sauvegardée. Les archivistes ukrainiens ont été en grande partie appelés à se joindre aux tentatives de défense militaire mais quelques-uns sont restés dans leur communauté en travaillant dans des conditions incroyables afin d’essayer de préserver leurs documents.

Quant à nous, surtout si nous vivons dans une démocratie, nous devrions réfléchir à comment nous pourrions soutenir la sauvegarde du patrimoine ukrainien.  Les différences linguistiques ne sont pas importantes, selon la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé signée en 1954 à La Haye sous l'égide de l'UNESCO.  En effet cette Convention souligne que chaque peuple contribue à la culture mondiale.  Tous doivent agir lorsque cette culture universelle est en danger.   Détruire volontairement des archives est une violation du droit international et peut aussi être considéré comme un crime de guerre.

Les institutions patrimoniales ont été particulièrement visées en Ukraine puisque le contrôle des ressources archivistiques apporte un grand pouvoir.  Une frappe aérienne à Chernihiv a causé un incendie détruisant plus de 13 000 dossiers historiques.  À Kharkiv une explosion a détruit la façade d’un bâtiment d’archives ainsi que le système de contrôle environnemental.  Des musées ont été pillés à Marioupol.  Les cyberattaques et les bombes érodent les serveurs du pays.

Rien ne nous empêche de rejoindre le groupe Saving Ukrainian Cultural Heritage Online (SUCHO) qui rassemble environ 1 300 professionnels bénévoles, provenant de divers pays, qui se dévouent pour sauver le patrimoine culturel ukrainien aussi vite que possible.

Pour offrir ses services au SUCHO, je vous invite à consulter le site https://www.sucho.org/  Il n’est pas nécessaire de comprendre l’ukrainien ou d’avoir des connaissances approfondies en informatique pour aider cet organisme.

Les membres du SUCHO sont surtout des archivistes, bibliothécaires, chercheurs, informaticiens qui sont tous engagés depuis quatre mois dans le sauvetage du patrimoine ukrainien.  Ils travaillent ensemble pour identifier et copier sur des sites en dehors de l’Ukraine des données et ressources à risque provenant des institutions et sites ukrainiens.

La tâche est immense.  Elle représente une véritable course contre la montre.  Le SUCHO doit anticiper les frappes aériennes et les cyberattaques ciblant le patrimoine.  Il faut identifier le matériel archivistique essentiel et le contenu des sites web à protéger avant de copier et stocker en sécurité en dehors du pays.

Les efforts du SUCHO ont permis de sauver jusqu’à maintenant plus de 50 téraoctets de données provenant de plus de 5 000 sites web allant de fonds d’archives numérisées à des copies de sites et de matériel artistique.  Parmi les documents sauvegardés figure la base de données historiques de l’école de photographie de Kharkiv.   Le projet a rendu possible de stocker toute la documentation portant sur le passé culturel de Kiev.  Le site de la bibliothèque nationale a également été copié pour sécuriser les nombreux manuscrits qu'elle possède, ainsi que sa collection de musique juive de 1912 à 1947.  Sur le site du SUCHO on peut aussi accéder au fonds du poète national Taras Chevtchenko né en 1814, à des photos historiques de la Crimée, aux archives du musée de l’Holocauste de la ville de Kharkiv, ou encore aux œuvres de plusieurs artistes ukrainiens et aux archives d’Ivan Mazepa, un politicien ukrainien du XVIe siècle considéré comme le patron des arts.

Au mois de mars, le site des Archives Nationales ukrainiennes de Kharkiv a été sauvegardé.  Juste à temps avant les bombardements du site physique et le piratage du site informatique.

Le travail du SUCHO serait difficile et probablement impossible sans l’appui des collègues ukrainiens.  Ceux-ci font tout pour          scanner des tonnes de documents contenus dans les archives, bibliothèques et musées du pays, afin de les sauver et les transmettre au SUCHO.  C’est un travail colossal à l’échelle du pays.

La liste des archives sauvegardées augmente régulièrement sur le site du SUCHO. Pour plus d’information :  https://www.sucho.org/archives

Les employés des Archives Nationales ukrainiennes m’ont fait savoir au début du conflit qu’ils avaient besoin de matériel de protection contre l’eau et le feu pour emballer les archives avant de les mettre à l’abri.  Mes derniers messages électroniques n’ont reçu aucune réponse.  Je tiens à remercier l’Association des archivistes français qui assure une veille sur toutes les initiatives de soutien.  Pour plus d’information :

https://www.archivistes.org/Guerre-en-Ukraine-veille-sur-la-situation-des-archives-et-les-initiatives-de

Si nous n’agissons pas, nous devrons dans quelques années répondre à la question : qu’avons-nous fait pour appuyer nos collègues ukrainiens devant la destruction de leur patrimoine ?  Nous vivons un moment que les futurs historiens jugeront, un moment sur lequel ils diront si nous avons ou non fait quelque chose pour leur transmettre durablement des ressources archivistiques.

 

Claude Roberto

Présidente du Comité de pilotage


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